Un travailleur a-t-il le droit de concurrencer son entreprise ?

Auteur: Francoise Leus
Temps de lecture: 6min
Date de publication: 03/10/2019 - 15:25
Dernière mise à jour: 03/10/2019 - 15:53

Un travailleur a-t-il le droit de lancer une activité indépendante à titre complémentaire qui est similaire à l'activité qu'il exerce chez son employeur ? Si un travailleur quitte son entreprise, peut-il aller à la concurrence. L'employeur peut-il prendre des mesures pour éviter une telle situation ? A-t-il le droit d’entreprendre des actions à l'encontre de son (ancien) travailleur ?

La « Liberté de travail » : un principe qui existe depuis le 18ème siècle

Signé en 1791, le Décret d'Allarde stipule que toute personne est libre de créer une activité économique et d'exercer une profession. Par conséquent, toute disposition du contrat de travail qui interdit au travailleur d'exercer une activité en parallèle avec l'exécution de son contrat de travail est nulle parce que contraire à la liberté de travail. En revanche, rien n'empêche l'employeur d'insérer dans le contrat de travail une clause selon laquelle le travailleur doit demander l'autorisation de s'installer comme indépendant à titre complémentaire. Si l'employeur s'oppose à ce projet, il devra motiver son refus sur la base de l'activité de l'entreprise.

Un travailleur a-t-il donc le droit de faire de la concurrence à son employeur ?

Non, la liberté de travail n'est toutefois pas absolue ; en effet, le travailleur a lui aussi un certain nombre d'obligations à respecter au niveau de l'exécution du contrat de travail. Le Code Civil prévoit que toutes les conventions légalement formées, en ce compris les contrats de travail, doivent être exécutées de bonne foi. Cela implique, entre autres, que le travailleur est tenu de faire preuve de loyauté envers son employeur. Travailler pour un employeur dans les liens d'un contrat de travail et en même temps lui faire de la concurrence est considéré comme étant contraire à la bonne foi et à la loyauté.

L’interdiction de se livrer à de la concurrence déloyale est d’ailleurs explicitement reprise dans la loi relative aux contrats de travail.

Par conséquent, toute concurrence, quel que soit son caractère (loyal ou déloyal) pendant l'exécution du contrat de travail est illicite.

Quelles démarches l'employeur peut-il entreprendre envers un travailleur qui lui fait de la concurrence ?

Plusieurs possibilités s’offrent à l’employeur :

  • Exiger, lors d’un entretien, que le travailleur mette un terme à ses activités concurrentielles et ensuite constater cela par écrit dans un document signé par les deux parties.
  • Si le travailleur est encore en service, il est possible de le licencier pour motif grave. Toutefois, ce dernier ne sera admis qu'en cas d'exercice effectif par le travailleur d'une activité concurrentielle. Impossible donc de licencier pour motif grave un travailleur qui n'en est qu'au stade de la préparation de sa future activité.

Comment l’employeur peut-il récolter des « preuves » ?

Si l'employeur ne sait pas précisément où les faits peuvent être constatés, il peut tout d'abord faire appel à un détective privé. Le rapport d'un détective privé n'ayant toutefois pas valeur de preuve absolue, il est conseillé d'y joindre d'autres preuves, comme un constat établi par un huissier de justice par exemple.

Qu’en est-il si il s’agitd’un ancien travailleur qui n’est plus lié par un contrat de travail ?

Aucune disposition légale n'interdit au travailleur ayant quitté son employeur de lancer une activité concurrentielle ou d'entrer au service d'un concurrent, pour peu que la concurrence revête un caractère loyal. Il est en effet interdit de se livrer à des pratiques de concurrence déloyale, même après la fin du contrat de travail.

Quelle est la différence entre concurrence loyale et concurrence déloyale ?

« La différence est toujours une question de faits. Sont, par exemple, considérés comme de la concurrence déloyale, la création d'une entreprise dont le nom ressemble fortement à celui de l'ancien employeur, ce qui sème la confusion auprès des clients, la diffusion d'informations fautives concernant les produits de l'ancien employeur, l'utilisation de listes, obtenues de manière obscure, de clients de l'ancien employeur, etc. » explique Francoise Leus, Senior Legal Consultant chez Partena Professional.

L'employeur peut intenter vis-à-vis de son ancien travailleur une action en référé pour obtenir la cessation de l'activité de concurrence déloyale. En outre, il peut réclamer une indemnité pour le préjudice subi.

L’employeur peut-il intégrer une « Clause de non-concurrence » dans le contrat de travail ?  

Oui. L'employeur peut intégrer dans le contrat de travail une clause de non-concurrence selon laquelle le travailleur, après la fin du contrat de travail, s'engage à n'exercer aucune activité concurrentielle ou à ne pas entrer au service d'un concurrent.

« Pour être valable, une telle clause de non-concurrence doit réunir un certain nombre de conditions. Ainsi, la possibilité de reprendre une clause de non-concurrence dans le contrat de travail dépend du montant de la rémunération annuelle du travailleur. En outre, la clause de non-concurrence doit se rapporter à des activités similaires, être limitée géographiquement et dans le temps et prévoir le paiement d'une indemnité compensatoire par l'employeur au travailleur, sauf si celui-ci est un représentant de commerce » poursuit Françoise Leus.

Il est même possible de conclure une clause de non-concurrence après la fin du contrat de travail. Dans ce cas, les conditions légales visées au paragraphe précédent ne sont pas d'application.

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