Le sous-financement menace la viabilité de la sécurité sociale

Auteur: L'Echo (19/11/2019)
Temps de lecture: 4min
Date de publication: 04/12/2019 - 09:24
Dernière mise à jour: 29/05/2020 - 15:19

L’hypothèse d’un dérapage des dépenses qui expliquerait le déficit actuel n’est pas confirmée. Au contraire, c’est l’érosion des recettes qui pose problème. Tax shift et avantages extralégaux sont épinglés par les Mutualités chrétiennes.

Il est communément admis que si les dépenses de la Sécurité sociale augmentent, c’est en raison des coûts liés au vieillissement de la population. Or ce n’est pas ce que constatent les Mutualités chrétiennes, pour qui les dépenses sont globalement maîtrisées. C’est au contraire du côté des recettes que ça coince.

Voyons ce que disent les chiffres de l’ONSS (Office national de sécurité sociale). Entre 2003 et 2014, les dépenses de sécurité sociale ont augmenté en moyenne de 3,1% en termes réels, c’est-à-dire sans tenir compte de l’inflation. À partir de 2016 et jusqu’en 2019, on observe une rupture de tendance: le taux de croissance réel des dépenses a diminué et est même devenu légèrement négatif (-0,7%).

Comment expliquer ce tassement des dépenses alors que la population vieillit? Parce que le gouvernement a imposé des économies, surtout dans les soins de santé où la norme de 1,5% d’augmentation annuelle n’est pas atteinte. Au contraire même, puisque les dépenses de santé sont passées de 20,1 milliards d’euros en 2015 à 18,3 milliards en 2019. Ce chiffre ne porte que sur le régime des salariés (il ne comprend pas les indépendants). Les dépenses de chômage baissent également (de 8,5 milliards en 2015 à 6,0 milliards en 2019). Les pensions, elles, augmentent de 22,9 à 25,6 milliards, de même que les indemnités de maladie et invalidité (de 6,9 à 8,1 milliards).

C’est donc du côté des recettes que quelque chose cloche. Les années 2015-2019 marquent une rupture de tendance importante: pour la première fois, le financement de la sécurité sociale n’augmente plus en termes réels. Il passe de 62,6 milliards en 2015 à 62,4 milliards en 2019. Pour mieux comprendre ce qui se joue, il faut analyser les principales sources de financement de la sécurité sociale: cotisations sociales, financement alternatif et subventions.

Les cotisations sociales prélevées sur les salaires baissent depuis longtemps. En 2002, elles comptaient pour 76% du financement de la sécu. En 2019, elles ne représentent plus que 61%. Les recettes en termes réels sont passées de 48,4 milliards d’euros en 2015 à 47,4 milliards en 2019. L’explication est simple. Il y a les réductions de cotisations accordées dans le cadre de diverses mesures, le tax shift (qui prévoit une baisse du taux de cotisations patronales de 32 à 25%) et, enfin, les avantages extralégaux (voitures de société, plans cafétéria, etc.). Onze avantages extralégaux représentent à eux seuls 6,74 milliards d’euros ou 3% de la masse salariale.

Le financement alternatif, lui, a augmenté régulièrement. Prélevé sur les recettes TVA et le précompte mobilier, il vient compenser – en partie seulement – les effets négatifs du tax shift sur les recettes. Quant à la dotation d’équilibre, réintroduite en 2017, elle est soumise à certaines conditions visant à responsabiliser les acteurs (lutte contre la fraude et mesures d’économies, notamment). À partir de 2021, elle ne sera plus garantie.

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