Vie privée au travail : l'employeur peut-il fouiller ses travailleurs ?

Auteur: Lies Planckaert
Temps de lecture: 6min
Date de publication: 13/08/2018 - 13:19
Dernière mise à jour: 23/11/2018 - 13:43

Supposons que l'employeur, constatant que des biens ont disparu, soupçonne un de ses travailleurs de vol. Peut-il (faire) fouiller le travailleur pour prouver le vol ? Oui, mais l'organisation d'un tel contrôle est strictement réglementée. Il y a donc des règles à respecter pour pouvoir inspecter les travailleurs ou contrôler leurs bagages à main. En outre, une fouille en vue de la prévention ou de la constatation de vol de biens n'est autorisée qu'à la sortie du lieu de travail ou de l'entreprise.   

  1. Information des travailleurs

Au plus tard au moment où ils entrent dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, les travailleurs doivent être informés de la possibilité d'un contrôle visant à prévenir le vol de biens.

  1. Contrôle par échantillonnage ou sur la base d'une suspicion de vol

Le contrôle peut être effectué soit par voie d'échantillonnage - tous les travailleurs, sans distinction, sont susceptibles d'être contrôlés - soit en cas de suspicion de vol, sur la base du comportement d'un travailleur ou d'indices matériels.

Un contrôle systématique n'est possible que moyennant l'accord du Ministre de l'Intérieur, cet accord étant toutefois soumis à des conditions très strictes.

  1. Seuls des agents de gardiennage peuvent effectuer le contrôle

Un contrôle de sortie ne peut être effectué que par des agents de gardiennage qui sont habilités à cet effet et qui sont du même sexe que la personne contrôlée. L'employeur peut organiser un service interne de gardiennage au sein de son entreprise ; il ne doit donc pas nécessairement faire appel à une entreprise externe. L'agent de gardiennage, de son côté, doit avoir suivi une formation appropriée et doit disposer des attestations nécessaires à l'exercice de la profession.  En d’autres termes, Il est interdit à l’employeur de fouiller les travailleurs lui-même.

  1. Les travailleurs doivent consentir au contrôle 

Si l'employeur souhaite faire contrôler un travailleur déterminé sur la base d'une suspicion de vol, le consentement individuel du travailleur concerné est requis.

En cas de contrôle par voie d'échantillonnage, un consentement collectif est suffisant. Ce consentement peut ressortir des rapports du conseil d'entreprise ou du comité pour la prévention et la protection au travail. Dans les entreprises sans conseil d'entreprise ou de comité pour la prévention et la protection au travail, le consentement peut ressortir d'une CCT d'entreprise relative à la prévention du vol ou du règlement de travail.

  1. Seuls les biens pertinents et présentés volontairement peuvent être contrôlés

Peuvent uniquement être contrôlés à la sortie les biens présentés volontairement par le travailleur, comme un sac à main ou un sac à dos qu'il porte sur lui, ou les biens qui se trouvent à l'intérieur de son véhicule. Le contrôle de sortie peut uniquement consister en une fouille superficielle des vêtements du travailleur. L’agent de gardiennage ne peut pas inviter le travailleur à se déshabiller ; en effet, cela constituerait une violation de la vie privée du travailleur.

  1. Communication écrite des constatations

L'agent de gardiennage est tenu de communiquer ses constatations par écrit à l'employeur et une copie de ce document doit être envoyée au travailleur concerné.

Un contrôle de sortie n'est possible que si les travailleurs ont été préalablement informés de l'introduction de cette forme de prévention de vol. L'information doit être fournie aux organes de l'entreprise (conseil d'entreprise ou, à défaut, le comité pour la prévention et la protection au travail). Dans les entreprises sans organes de concertation, l'employeur fournit cette information aux délégués syndicaux. S'il n'y a pas de délégation syndicale, tous les travailleurs doivent être informés directement.

L'information porte sur :

  • le périmètre de l'entreprise ou du lieu de travail ; 
  • les risques de vol dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ;
  • les mesures déjà prises pour prévenir les risques ou y remédier (exemple : surveillance par caméra introduite conformément aux dispositions légales) ;
  • les méthodes de contrôle.

Cette information doit être reprise dans les rapports du conseil d'entreprise ou du comité pour la prévention et la protection au travail. A défaut de ces organes de concertation, elle doit être reprise dans une CCT d'entreprise visant à prévenir le vol de biens dans l'entreprise ou dans le règlement de travail (dans ce cas, respect de la procédure relative à la modification du règlement de travail).

La constatation de vol lors d'un contrôle de sortie est un motif valable de licenciement. En effet, le vol constitue une faute grave qui rompt la relation de confiance entre l'employeur et le travailleur et qui rend immédiatement et définitivement impossible toute collaboration professionnelle. En d'autres termes, le travailleur peut être licencié pour motif grave. La valeur du bien volé ne joue aucun rôle dans ce contexte. La constatation du vol est suffisante. L'appréciation du motif grave demeure néanmoins une question de fait relevant du pouvoir souverain d'appréciation des juridictions de travail.

Le refus de se soumettre à un contrôle de sortie peut être considéré par l'employeur comme une forme d'insubordination. Dans ce sens, il peut donner lieu au licenciement, parfois même pour motif grave. Dans ce cas, le licenciement ne nous semble toutefois possible que si le refus du travailleur présente un caractère répété et injustifié et que le contrôle ait été organisé de manière régulière. Ici aussi, ce sera au tribunal du travail d'analyser les faits et de se prononcer sur le licenciement pour motif grave.

Auteur : Lies Planckaert

26-02-2014

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