Discrimination : nouvelles formes et nouveaux critères

Auteur: Alexia Buyl (Legal Expert)
Temps de lecture: 6min
Date de publication: 20/07/2023 - 13:35
Dernière mise à jour: 20/07/2023 - 13:46

Une loi modifiant les différentes lois luttant contre la discrimination vient d’être publiée au Moniteur belge.

La législation anti-discrimination octroie une protection juridique notamment aux travailleurs victimes de discrimination sur base d’un critère protégé (sexe, âge, état de santé, etc.).

Pour adapter cette législation aux évolutions sociales, la loi du 28 juin 2023 reconnait, entre autres, de nouvelles formes de discrimination dont la discrimination multiple ; elle actualise également la liste des critères protégés.

Discrimination multiple

Par « discrimination multiple », on vise les cas dans lesquels une personne subit un traitement différencié non justifié sur base de plusieurs critères protégés.

Ces différents critères peuvent être réels ou supposés, octroyés en propre ou par association, pris seuls ou en combinaison avec un ou plusieurs critères protégés des différentes lois anti-discrimination.

Brève explication des termes utilisés :

  • critères réels : la personne est discriminée car elle présente une caractéristique protégée ;
  • critères supposés : la personne est discriminée car elle donne l’impression de présenter une caractéristique protégée bien qu’elle lui soit en réalité étrangère. Par exemple, un travailleur qui a participé à un mouvement organisé par la communauté LGBTQIA+ (communauté lesbienne, gay, bisexuel, trans, queer, intersexe et asexuel) est discriminé s’il est licencié parce que l’employeur considère qu’il a une orientation sexuelle particulière ;
  • critères octroyés en propre : la personne est discriminée en raison de caractéristiques qui lui sont personnelles ;
  • critères octroyés par association : la personne est discriminée en raison de son association avec une personne présentant un motif protégé. Par exemple, un travailleur qui a un enfant handicapé et s’absente plus souvent pour s’en occuper fait l’objet d’une discrimination par association s’il est licencié pour ce motif (ce n’est pas le travailleur qui fait l’objet d’un critère protégé mais son enfant).

Attention ! Avec l’introduction de cette notion de « discrimination multiple », les motifs de justification vont être impactés. Le régime de justification diffère en effet en fonction du critère protégé. Dorénavant, lorsqu’une personne fait l’objet d’une différence de traitement sur base d’au moins deux critères, ce sera le régime de justification le plus favorable à cette personne qui s’appliquera. En d’autres termes, il faudra appliquer les conditions de justification permettant une dérogation à l’interdiction de discrimination, qui sont les plus strictes.

Discrimination cumulée et discrimination intersectionnelle

La discrimination multiple peut prendre deux formes différentes :

  • la discrimination cumulée ;
  • la discrimination intersectionnelle.

La discrimination cumulée est une situation qui se produit lorsqu’une personne subit une discrimination suite à une distinction fondée sur plusieurs critères protégés qui s’additionnent, tout en restant dissociables.

Par exemple, un travailleur qui est homosexuel est discriminé s’il est licencié en raison de son homosexualité et de son état de santé, certaines maladies étant associées aux homosexuels.

Autre exemple : un candidat n’a pas été pas engagé en raison à la fois de son âge (44 ans) et de son sexe (homme). L’employeur a justifié ce refus en ces termes : « Pour ce qui ne concerne pas les tâches en elles-mêmes mais mon groupe d’[employées] je n’ai que des jeunes filles entre 20 et 30 ans, je ne suis pas convaincu que toutes les chances seraient de mon côté pour [garantir] un groupe soudé… ». Dans cette situation, ce refus est un double désavantage car le candidat cumule deux caractéristiques « désavantageuses » : c’est un homme et il est plus âgé (décision du tribunal du travail de Liège du 11 août 2017).

Quant à la discrimination intersectionnelle, il s’agit d’une situation qui se produit lorsqu’une personne subit une discrimination suite à une distinction fondée sur plusieurs critères protégés qui interagissent et deviennent indissociables.

Par exemple, le refus d’intervention dans le vaccin HPV pour les garçons homosexuels constitue une distinction non justifiée sur base du sexe et de l’orientation sexuelle : les garçons sont moins bien traités que les filles concernant l’intervention dans les frais du médicament et la vaccination des filles offre une protection indirecte aux garçons hétérosexuels. C’est donc l’intersection des critères du sexe et de l’orientation sexuelle (tous les hommes ne sont pas préjudiciés et les lesbiennes ne sont pas concernées en tant que femme) qui crée le désavantage spécifique subi (décision du tribunal du travail de Bruxelles du 18 mars 2022).

Autre exemple : une femme handicapée est victime de discrimination sur son lieu de travail. Pour déterminer de quelle forme de discrimination multiple il s’agit, la question suivante peut être posée : la personne aurait-elle été victime de discrimination si elle n’avait été qu’une femme et n’avait pas de handicap ou si elle n’avait eu qu’un handicap et avait été un homme ? Si la réponse est négative, c’est-à-dire que la personne n’aurait pas été discriminée s’il n’y avait eu qu’un seul des critères protégés, il s’agit d’une discrimination intersectionnelle. Si la réponse est positive, c’est-à-dire que la personne aurait quand même été victime de discrimination s’il n’y avait eu qu’un seul des critères protégés, il s’agit d’une discrimination cumulée.

Nouveaux critères protégés

Enfin, la liste des critères protégés est adaptée :

  • le critère de la condition sociale est dorénavant prévu ; on vise la situation sociale actuelle de la personne. Par exemple, si, lors d’un entretien d’embauche, un candidat n’est pas retenu parce qu’il est sans domicile fixe, il est discriminé ;
  • le critère « changement de sexe » est remplacé par celui de « transition médicale ou sociale ».

Soyez prudent notamment lors d’un licenciement. En cas de doute sur l’existence d’une éventuelle discrimination, n’hésitez pas à prendre contact avec nos Legal Partners via legalpartners@partena.be.

 

Source : loi du 28 juin 2023 portant modification de la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination et de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes., M.B. 20.07.2023.

 

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