Rupture du contrat pour force majeure en cas d’inaptitude définitive : suivez la procédure !

Auteur: Catherine Legardien
Temps de lecture: 12min
Date de publication: 13/08/2018 - 13:19
Dernière mise à jour: 03/04/2019 - 12:41

La rupture d’un contrat pour cas de force majeure suite à l’inaptitude définitive du travailleur ne pourra désormais être constatée qu’au terme d’un trajet de réintégration.

C’est ce que prévoit la loi du 20 décembre 2016 portant des dispositions diverses en droit du travail liées à l’incapacité de travail, publiée au Moniteur belge ce 30 décembre 2016 et dont la date d’entrée en vigueur est fixée au 9 janvier 2017.

Cette loi fait partie des mesures gouvernementales visant à encourager la réintégration des travailleurs en incapacité de travail.

La loi du 20 décembre 2016 portant des dispositions diverses en droit du travail liées à l’incapacité de travail prévoit également les règles en matière d’impact sur le contrat de travail d’une reprise temporaire d’un travail adapté ou d’un autre travail, autorisée par le médecin-conseil de la mutuelle. Voyez, à ce sujet, notre Infoflash du 2 janvier 2017.

Un peu de théorie

La force majeure

Indépendante de la volonté des parties, la force majeure est un événement imprévisible qui constitue pour l’employeur et le travailleur un obstacle insurmontable empêchant définitivement pour le premier, de fournir un travail et pour le second, d’exécuter celui-ci.

Cet événement de force majeure entraîne la rupture immédiate du contrat sans préavis ni indemnité de rupture.

De l’inaptitude définitive à exercer le travail convenu…

Jusqu’à présent et selon la Cour de cassation, une incapacité permanente qui empêche définitivement le travailleur de reprendre le travail convenu constitue un tel événement de force majeure. Cette force majeure ne doit être appréciée qu’au regard du travail convenu.

Par « travail convenu », on entend non seulement l’ensemble des tâches que le travailleur a l’habitude d’exécuter conformément à son contrat mais aussi, le temps de travail qui a été décidé entre les parties.

La preuve du caractère définitif de l’inaptitude au travail doit idéalement être établie au moyen de deux attestations médicales (l’une émanant du médecin traitant et l’autre du conseiller en prévention-médecin du travail) mentionnant que le travailleur est inapte de manière définitive pour le travail convenu.

Quelques précisons

Notons que l’arrêté royal du 28 mai 2003 relatif à la surveillance de la santé des travailleurs prévoit la possibilité pour le travailleur déclaré par son médecin traitant inapte de manière définitive pour le travail convenu, de bénéficier d’une procédure de reclassement. Le respect de cette procédure ne constitue néanmoins pas une condition pour pouvoir invoquer la rupture du contrat pour cas de force majeure.

Enfin, l’article 34 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail prévoyait que l'incapacité de travail résultant d'une maladie ou d'un accident et qui empêche définitivement le travailleur d'accomplir le travail convenu ne peut mettre fin au contrat pour cause de force majeure que pour autant qu’une procédure bien particulière (visant à favoriser la réintégration du travailleur) soit respectée. Cet article n’est cependant jamais entré en vigueur, raison pour laquelle les principes jurisprudentiels de la Cour de cassation énoncés ci-dessus constituent jusqu’à présent le fondement de la rupture du contrat pour cas de force majeure suite à l’inaptitude définitive du travailleur.

… à l’inaptitude définitive à exercer un travail adapté ou un autre travail

La loi du 20 décembre 2016 portant des dispositions diverses en droit du travail liées à l’incapacité de travail introduit dans la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail un nouvel article 34, lequel entre en vigueur le 9 janvier 2017.

Cet article stipule que « L’incapacité de travail résultant d’une maladie ou d’un accident qui empêche définitivement le travailleur d’effectuer le travail convenu peut seulement mettre fin au contrat de travail pour cause de force majeure au terme du trajet de réintégration du travailleur qui ne peut exercer définitivement le travail convenu, (…) ».

En pratique

Principe

A partir du 9 janvier 2017, pour pouvoir mettre fin au contrat de travail pour cas de force majeure suite à l’inaptitude définitive du travailleur, un trajet de réintégration doit être entamé et terminé.

Ce trajet de réintégration est prévu par l’arrêté royal du 28 octobre 2016 modifiant l’arrêté royal du 28 mai 2003 relatif à la surveillance de la santé des travailleurs en ce qui concerne la réintégration des travailleurs en incapacité de travail.

Il a pour objectif de promouvoir, avec l’aide du conseiller en prévention-médecin du travail, la réintégration du travailleur qui ne peut plus exécuter le travail convenu, en lui donnant un travail adapté ou un autre travail et cela notamment, dans l’hypothèse où il est définitivement inapte à exercer le travail convenu.

Pour un aperçu général de la réglementation relative au trajet de réintégration, voyez notre Infoflash du 1er décembre 2016.

Quand le trajet de réintégration est-il terminé ?

Pour un travailleur définitivement inapte à effectuer le travail convenu, le trajet de réintégration est définitivement terminé dans les trois hypothèses suivantes, c’est-à-dire lorsque :

  • 1ère hypothèse : l’employeur a reçu le formulaire d’évaluation de réintégration de la part du conseiller en prévention-médecin du travail, dans lequel ce dernier a jugé que le travailleur est inapte définitivement pour le travail convenu, qu’il n’est pas en état d’effectuer un travail adapté ou un autre travail et que les possibilités de recours sont épuisées ;
  • 2ème hypothèse : l’employeur a remis au conseiller en prévention-médecin du travail le rapport selon lequel l’établissement d’un plan de réintégration est techniquement ou objectivement impossible ou qu’il ne peut être exigé pour des motifs dûment justifiés ;
  • 3ème hypothèse : l’employeur a remis au conseiller en prévention-médecin du travail le plan de réintégration avec lequel le travailleur n’est pas d’accord.

    Ce n’est donc que dans ces trois hypothèses que le contrat de travail pourra être rompu pour cas de force majeure suite à l’inaptitude définitive du travailleur.

Concrètement, quelle est la procédure à suivre ?

Chacune de ces trois hypothèses se rencontre à l’issue d’une procédure spécifique impliquant principalement le travailleur, l’employeur et le conseiller en prévention-médecin du travail. Elle comporte quatre étapes (initiative, évaluation de réintégration, plan de réintégration et décision du travailleur) et des délais spécifiques à respecter.

Initiative

La demande de trajet de réintégration peut être introduite auprès du conseiller en prévention-médecin du travail :

  • soit par le travailleur pendant la période de son incapacité de travail (ou, s’il y consent, par son médecin traitant),
  • soit par l’employeur, au plus tôt à partir de 4 mois après le début de l’incapacité de travail du travailleur ou à partir du moment où le travailleur lui remet une attestation de son médecin traitant dont il ressort une incapacité définitive à effectuer le travail convenu,
  • soit par le médecin-conseil de la mutuelle, s’il est d’avis que le travailleur entre en compte pour un trajet de réintégration.

Evaluation de réintégration

Le conseiller en prévention-médecin du travail invite le travailleur pour lequel il a reçu une demande de réintégration à une évaluation de réintégration au terme de laquelle il consigne sur le formulaire d’évaluation de réintégration sa décision. Celle-ci peut notamment consister en :

  • une inaptitude définitive à reprendre le travail convenu et le travailleur est en état d’effectuer chez l’employeur un travail adapté ou un autre travail, ou en
  • une inaptitude définitive à reprendre le travail convenu et le travailleur n’est pas en état d’effectuer chez l’employeur un travail adapté ou un autre travail.

Le travailleur qui n’est pas d’accord avec l’évaluation de réintégration peut introduire, par lettre recommandée, un recours auprès du médecin inspecteur social de la Direction générale du Contrôle du bien-être au travail, dans un délai de 7 jours ouvrables après la remise du formulaire d’évaluation de réintégration. Le travailleur doit en avertir l’employeur.

Le trajet de réintégration est terminé lorsque l’employeur a reçu le formulaire d’évaluation de réintégration de la part du conseiller en prévention-médecin du travail, dans lequel ce dernier a jugé que le travailleur est inapte définitivement, qu’il n’est pas en état d’effectuer un travail adapté ou un autre travail et que les possibilités de recours sont épuisées. Il s’agit de la première hypothèse dans laquelle le trajet de réintégration est terminé.

Plan de réintégration

L’employeur doit, en principe, établir un plan de réintégration (après l’expiration du délai de recours ou après réception du résultat de la procédure de recours qui confirme la décision du conseiller en prévention-médecin du travail) lorsqu’il s’agit d’une inaptitude définitive et que le travailleur est en état d’effectuer chez l’employeur un travail adapté ou un autre travail.

Si l’employeur estime que l’établissement d’un plan de réintégration est techniquement ou objectivement impossible ou qu’il ne peut être exigé pour des motifs dûment justifiés, il établit un rapport en ce sens.

Le trajet de réintégration est terminé lorsque l’employeur a remis au conseiller en prévention-médecin du travail le rapport selon lequel l’établissement d’un plan de réintégration est techniquement ou objectivement impossible ou qu’il ne peut être exigé pour des motifs dûment justifiés. Il s’agit de la deuxième hypothèse dans laquelle le trajet de réintégration est terminé.

Décision du travailleur

Dans l’hypothèse où l’employeur a établi un plan de réintégration, le travailleur dispose ensuite d’un délai de 5 jours ouvrables après réception du plan de réintégration pour l’accepter ou non, et le remettre à l’employeur.

Si le travailleur n’est pas d’accord avec le plan de réintégration, il y mentionne les raisons de son refus.

Le trajet de réintégration est terminé lorsque l’employeur a remis au conseiller en prévention-médecin du travail le plan de réintégration avec lequel le travailleur n’est pas d’accord. Il s’agit de la troisième hypothèse dans laquelle le trajet de réintégration est terminé.

Date d’entrée en vigueur

La loi du 20 décembre 2016 portant des dispositions diverses en droit du travail liées à l’incapacité de travail entre en vigueur le 9 janvier 2017.

Il faut, par ailleurs, tenir compte de la date à laquelle un trajet de réintégration peut démarrer. Cette date dépend de la personne qui en prend l’initiative :

  • s’il s’agit du travailleur, à partir du 1er janvier 2017 (indépendamment de la date de début de son incapacité) ;
  • s’il s’agit de l’employeur, à partir du 1er janvier 2017 pour les incapacités de travail qui commencent à partir du 1er janvier 2016 et à partir du 1er janvier 2018 pour les incapacités de travail qui ont commencé avant le 1er janvier 2016.

Sources : Loi du 20 décembre 2016 portant des dispositions diverses en droit du travail liées à l’incapacité de travail, M.B. 30 décembre 2016 ; arrêté royal du 28 octobre 2016 modifiant l’arrêté royal du 28 mai 2003 relatif à la surveillance de la santé des travailleurs en ce qui concerne la réintégration des travailleurs en incapacité de travail, M.B. 24 novembre 2016.

Auteur : Catherine Legardien

02-01-2017

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