Brexit : crédit-temps pour les employeurs en difficulté

Auteur: Catherine Legardien (Legal Expert)
Temps de lecture: 9min
Date de publication: 18/03/2021 - 16:07
Dernière mise à jour: 01/04/2021 - 06:52

Les employeurs qui rencontrent des difficultés économiques en raison du Brexit pourront proposer à leurs travailleurs une forme spécifique de crédit-temps. Il s’agit là de l’une des trois mesures temporaires de crise prévues par la loi du 6 mars 2020 en faveur de ces employeurs, qui sera en vigueur du 22 mars 2021 au 21 mars 2022.

Quels sont les employeurs concernés ?

Le système spécifique de crédit-temps (intitulé dans le texte de loi « réduction individuelle temporaire des prestations de travail ») s'applique aux employeurs du secteur privé qui rencontrent des difficultés économiques en raison du Brexit.

Plus précisément, il s’agit des employeurs reconnus par le ministre de l'Emploi comme étant affectés par une réduction d'au moins 5 % de leur chiffre d'affaires, de leur production ou de leurs commandes à la suite du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Conditions d’application

Pour pouvoir appliquer le système spécifique de crédit-temps, l’employeur doit :

  • d’une part, être lié en principe par une convention collective de travail (CCT) ;
  • et, d’autre part, être reconnu comme employeur en difficulté.

Conclusion d’une CCT et introduction d’une demande de reconnaissance

L’employeur en difficulté doit être lié par une CCT conclue au sein de la commission paritaire compétente.

A défaut d’une telle CCT, il doit être lié :

  • s’il existe une délégation syndicale dans l’entreprise : par une CCT d’entreprise déposée au greffe de la Direction générale des Relations collectives de travail (SPF Emploi, Travail et Concertation sociale) au plus tard dans les 5 jours ouvrables suivant la date à laquelle la CCT a été conclue.

    Attention ! Si aucun résultat n'est atteint dans les 2 semaines suivant le début des négociations (initiées par l’employeur), l'employeur doit uniquement être lié par une demande de reconnaissance comme employeur en difficulté approuvée.
  • en l’absence de délégation syndicale dans l’entreprise : par une demande de reconnaissance comme employeur en difficulté approuvée ou par une CCT d’entreprise déposée au greffe de la Direction générale des Relations collectives de travail (SPF Emploi, Travail et Concertation sociale) au plus tard dans les 5 jours ouvrables suivant la date à laquelle la CCT a été conclue.

Contenu de la CCT

La CCT (sectorielle ou d’entreprise) doit mentionner :

  • le fait qu'elle est conclue en application du titre 2 de la loi du 6 mars 2020 ;
  • la mesure temporaire de crise visée, soit le système spécifique de crédit-temps (réduction individuelle temporaire des prestations de travail) ;
  • des mesures pour le maintien maximal de l'emploi.

Contenu de la demande de reconnaissance et procédure

La demande de reconnaissance comme employeur faisant face à des difficultés économiques en raison du Brexit doit mentionner :

  • le fait qu'elle est rédigée en application de la loi du 6 mars 2020 ;
  • la mesure temporaire de crise souhaitée, soit le système spécifique de crédit-temps (réduction individuelle temporaire des prestations de travail) ;
  • la durée de la mesure ;
  • des mesures pour le maintien maximal de l'emploi.

L’entreprise introduit la demande de reconnaissance (par voie postale ou par voie électronique) via un formulaire-type auprès du service compétent du SPF Emploi, Travail et Concertation sociale ; cela peut se faire au même moment que le dépôt de la CCT au greffe.

Dans cette demande, l’employeur apporte la preuve qu'il est affecté par une diminution d'au moins 5 % du chiffre d'affaires, de la production ou des commandes à la suite du Brexit ; concrètement, il doit faire la comparaison entre les données d'un des 2 mois précédant la demande de reconnaissance et le mois correspondant de l'une des 2 années calendrier précédant la demande.

Remarque – L’employeur transmet une copie du formulaire de reconnaissance ainsi que les raisons économiques justifiant l'utilisation de la mesure au conseil d'entreprise ou, à défaut, à la délégation syndicale.

La suite de la procédure peut être résumée comme suit :

  • la demande est transmise à la commission « Plans d'entreprise » immédiatement ;
  • cette commission rend un avis motivé dans les 2 semaines après la réception de la demande ;
  • cet avis est transmis au ministre de l'Emploi immédiatement ;
  • cet avis est également transmis à l’employeur qui le communique, dans les plus brefs délais, au conseil d'entreprise ou, à défaut, à la délégation syndicale ;
  • le ministre de l'Emploi prend une décision motivée sur la reconnaissance après réception de l’avis (mesure visée, durée de la reconnaissance) ;
  • cette décision est notifiée à l'employeur immédiatement ;
  • l’employeur transmet une copie de la reconnaissance ainsi que les raisons économiques  justifiant l'utilisation de la mesure au conseil d'entreprise ou, à défaut, à la délégation syndicale.

L’ONEm et l’ONSS sont également informés du nom de l’employeur ainsi reconnu, de la mesure visée et des dates de début et de fin de la reconnaissance.

Le crédit-temps Brexit, de quoi s’agit-il ?

L’employeur peut proposer à tout travailleur occupé à temps plein de réduire ses prestations de travail d’1/5ème ou à mi-temps pour une période qui ne peut être inférieure à 1 mois et qui ne peut dépasser 6 mois. A noter qu’est considéré comme un travailleur occupé à temps plein pour la réduction des prestations à mi-temps, le travailleur occupé au moins aux ¾ d’un temps plein dans l’entreprise.

La période de réduction des prestations de travail doit entièrement se situer dans la période de reconnaissance comme employeur en difficulté. Cette période de reconnaissance se termine au plus tard le 21 mars 2022.

Important ! La période de réduction des prestations dans le cadre du crédit-temps Brexit ne vient pas en déduction de la période maximale de crédit-temps ordinaire à laquelle le travailleur a droit.

Formalités

La réglementation ne prévoit pas de règles concernant la procédure à respecter par l’employeur pour proposer le crédit-temps Brexit au travailleur. Il en est de même concernant la procédure à respecter par le travailleur pour répondre à l’employeur. Toutefois, pour éviter toute discussion, il est conseillé de formaliser par écrit la proposition de l’employeur et la réponse du travailleur.

En cas d’accord du travailleur, les parties doivent conclure une convention écrite portant sur la réduction temporaire des prestations de travail, au plus tard le jour de la prise de cours du crédit-temps Brexit (conformément à l’article 11bis de la loi du 3 juillet 1978).

Bon à savoir ! Cette convention peut être renouvelée sans toutefois pouvoir excéder la période maximale de 6 mois.

Droit à une allocation

Durant la période de réduction de ses prestations dans le cadre du crédit-temps Brexit, le travailleur a droit à une allocation à charge de l’ONEm dont le montant est identique à celui octroyé en cas de crédit-temps ordinaire.

Attention ! En cas d'octroi d'une indemnité complémentaire par l'employeur, la somme du salaire brut, de l'allocation à charge de l’ONEm, du supplément éventuel sur cette allocation sur la base d'un règlement régional et de l'indemnité complémentaire octroyée par l'employeur, ne peut être plus élevée que la rémunération brute à laquelle le travailleur avait droit avant l'introduction de la réduction temporaire des prestations de travail. A cet égard, il n'est pas tenu compte de l'adaptation des rémunérations à l'indice des prix et aux augmentations barémiques.

Procédure de demande d’allocation

L’allocation de crédit-temps Brexit doit être demandée via le formulaire «Formulaire C61- Réduction individuelle temporaire des prestations en raison du Brexit».

Plus d’infos ? Consultez le site de l’ONEm

Et si l’employeur met fin au contrat pendant le crédit-temps Brexit ?

La rémunération à prendre en considération en cas de licenciement moyennant le paiement d’une indemnité de rupture pendant le crédit-temps Brexit est la rémunération à laquelle le travailleur avait droit avant la réduction de ses prestations.

Date d’entrée en vigueur

Cette mesure sera en vigueur du 22 mars 2021 au 21 mars 2022.

Sources : loi du 6 mars 2020 visant à maintenir l'emploi après le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, modifiée par la loi du 20 décembre 2020, M.B. 25 mars 2020 ; arrêté royal du 31 janvier 2021 fixant la date d'entrée en vigueur et de la fin de vigueur des titres 1er et 2 de la loi du 6 mars 2020 visant à maintenir l'emploi après le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, M.B. 15 février 2021.

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