Loi sur le travail faisable et maniable: évolution ou révolution?

Auteur: By Philippe Norman & Yves Stox
Temps de lecture: 4min
Date de publication: 09/08/2018 - 15:57
Dernière mise à jour: 28/03/2019 - 14:32

"Les nouvelles règles en matière de travail faisable et maniable répondent à une série d’aspirations importantes des entreprises", observe Yves Stox, Senior Legal Counsel au Knowledge Department du prestataire de services de ressources humaines Partena Professional. "Par exemple, nous croyons énormément dans le système des heures supplémentaires volontaires, mais aussi et surtout dans les horaires flottants ou dynamiques, qui permettent aux salariés de travailler, une semaine, davantage que la durée moyenne hebdomadaire et d’économiser ces heures pour travailler moins la semaine suivante, ou inversement, ‘d’emprunter’ des heures une semaine et de les prester effectivement plus tard."

Ces deux mesures constituent une combinaison puissante: l’association d’heures supplémentaires volontaires et d’horaires flottants. Celle-ci présente de nombreux avantages à la fois pour l’employeur et le travailleur. Ainsi peuvent-ils, en matière de flexibilité, prendre des dispositions directement entre eux, sans l’accord de la délégation syndicale ou l’autorisation de l’inspection sociale. En outre, l’impact sur le planning est minimal.

Un cadre juridique pour le télétravail occasionnel

Les nouvelles règles sont également porteuses de simplification, ce qui peut dissiper les craintes des entreprises. Le télétravail occasionnel en est un bon exemple, embraie Philippe Norman, responsable du département Legal Partners chez Partena Professional. "On pouvait déjà y avoir recours mais le cadre n’était pas optimal. Tel qu’il est fixé aujourd’hui, il revient à s'accorder sur les moments où il est possible de travailler à domicile, sur la manière de le faire savoir, l’indemnité éventuelle, le matériel mis à disposition et le type d’assistance dont on bénéficie en cas de problème informatique." Une fois le cadre fixé dans le règlement de travail ou dans une CCT d’entreprise, les salariés et leurs supérieurs peuvent prendre rapidement et avec une grande souplesse des dispositions qui sont dans l’intérêt à la fois de l’entreprise et de l’individu.

Vers une politique du personnel individualisée

Cette mesure s’inscrit dans une évolution plus large, comme la réforme des règles en matière de groupement d’employeurs. "C’est un système potentiellement très intéressant mais toujours trop complexe", juge Philippe Norman. " Jusqu’à présent, le droit du travail belge faisait la part belle aux régimes collectifs. Avec les nouvelles règles concernant les heures supplémentaires volontaires et les horaires flottants, il s’est toutefois recentré sur l’individu. Et cette notion d’autonomie, qui apparaît désormais dans le droit du travail, mérite bel et bien le qualificatif de "révolutionnaire"".

"Le fait que les employeurs et les travailleurs puissent désormais forger des accords directement dans les entreprises ouvre de nouvelles possibilités", confirme Yves Stox, qui opère une comparaison avec la politique salariale. "Si, voici dix ans, les plans cafétéria étaient sur toutes les lèvres, personne ne les mettait en pratique. Il y a deux ans environ, les choses ont commencé à bouger à l’initiative de plusieurs grands acteurs. Et aujourd’hui, nous recevons des demandes d’information presque chaque jour. Cela s’inscrit dans cette tendance à l’individualisation, dans le souhait d’autonomie des travailleurs et une concertation de plus en plus directe entre le salarié et son employeur."

Vers un nouveau statut?

"L’autonomie croissante dont bénéficient les travailleurs exige cependant une nouvelle adaptation du droit du travail", complète Philippe Norman. " En fin de compte, il s’agira de remettre en cause la relation d’autorité classique qui constitue toujours la base du droit du travail. Les statuts des ouvriers et des employés sont-ils encore à la hauteur des défis à venir? Même des environnements industriels classiques et des PME exigent davantage de flexibilité et d’autonomie dans l’exécution du travail, des possibilités de mettre sur pied des équipes autonomes, de laisser les travailleurs fixer eux-mêmes leur planning, etc. "

"A l’occasion du Parlement des entrepreneurs de Partena Professional 2017, nous interrogerons les entrepreneurs sur la manière dont ils voient évoluer le statut du travailleur", conclut Philippe Norman. "Nous déposerons une proposition de loi basée sur leurs conclusions. Il est clair que le chemin à parcourir est encore très long. Ce qui se trouve sur la table aujourd’hui est insuffisant pour la gig economy du futur, dans le cadre de laquelle les travailleurs seront davantage maîtres de leur travail. C’est l’avenir que Partena Professional entend contribuer à construire."

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