Nouvelles obligations visant à protéger les lanceurs d’alerte

Auteur: Legal Partena Professional (Legal Expert)
Temps de lecture: 7min
Date de publication: 06/02/2023 - 09:56
Dernière mise à jour: 06/02/2023 - 09:58

La « Loi sur la protection des personnes qui signalent des violations au droit de l'Union ou au droit national constatées au sein d'une entité juridique du secteur privé » a été publiée au Moniteur belge le 15 décembre 2022. Cette loi transpose la directive européenne sur les lanceurs d'alerte dans la réglementation belge, et vise à protéger les lanceurs d'alerte.

De quoi s'agit-t-il ?

Un lanceur d’alerte est une personne signalant des violations relatives à certaines législations qui ont lieu dans un contexte professionnel.

Les lanceurs d’alerte peuvent être non seulement des travailleurs, mais aussi des stagiaires, des volontaires, d'anciens ou de futurs travailleurs, des administrateurs, des actionnaires, ou des (préposés de) prestataires de services/fournisseurs/sous-traitants indépendants.

Les violations relatives aux législations suivantes peuvent plus précisément faire l’objet d'un signalement : I) marchés publics ; ii) services, produits et marchés financiers et prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme ; iii) sécurité et conformité des produits ; iv) sécurité des transports ; v) protection de l’environnement ; vi) radioprotection et sûreté nucléaire ; vii) sécurité des aliments destinés à l’alimentation humaine et animale, santé et bien-être des animaux ; viii) santé publique ; ix) protection des consommateurs ; x) protection de la vie privée et des données à caractère personnel, et sécurité des réseaux et des systèmes d’information ; xi) lutte contre la fraude fiscale ; xii) lutte contre la fraude sociale ; xiii) violations portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne ; xiv) violations relatives au marché intérieur européen.

La nouvelle législation introduit l'obligation de mettre en place des canaux de signalement afin que les violations susmentionnées puissent être détectées et traitées au sein des entreprises, et qu'une protection appropriée soit accordée aux lanceurs d’alerte qui ont signalé ces violations.

Canaux de signalement internes et externes

Seules les entreprises comptant au moins 50 travailleurs[1] doivent mettre en place un canal de signalement interne et tenir un registre des signalements reçus. L'entreprise peut choisir de gérer ce canal de signalement en interne ou, si elle le souhaite, de le confier à un partenaire externe. 

Le canal de signalement interne doit permettre aux lanceurs d’alerte de faire part de leurs préoccupations par écrit ou oralement. Le canal de signalement doit respecter un certain nombre de formalités garantissant, entre autres, la confidentialité et le traitement impartial des signalements, et doit être au moins accessible aux travailleurs de l'entreprise, mais aussi aux parties externes (indépendants, actionnaires, travailleurs qui ne sont plus en service, sous-traitants).

Concernant les entreprises d'au moins 250 travailleurs, ce canal de signalement interne doit prévoir la possibilité d’effectuer le signalement de manière totalement anonyme.

Les entreprises choisissent la manière dont ce canal de signal est mis en œuvre dans la pratique. Les signalements peuvent se faire, par exemple, par e-mail, par téléphone, au moyen d’un outil...

En outre, les lanceurs d’alerte pourront également avoir accès à un canal de signalement externe. Une « Autorité de signalement » sera désignée à cet effet. Cette autorité sera compétente pour recevoir les signalements, fournir du feed-back et assurer le suivi des signalements.

Enfin, les lanceurs d’alerte auront aussi la possibilité, sous certaines conditions, de rendre les informations publiques.

Introduction d'un canal de signalement interne

La loi ne précise pas la manière dont le canal de signalement interne doit être introduit. Par conséquent, chaque entreprise a le choix de le faire par le biais d'une convention collective de travail d'entreprise, du règlement du travail ou d'une simple politique. Dans tous les cas, le dialogue social doit être respecté dans le processus.

Tant les travailleurs de l'entreprise que les parties externes/tiers doivent recevoir des informations claires et accessibles sur les canaux de signalement disponibles.

Protection des lanceurs d'alerte

Les lanceurs d'alerte seront protégés contre les représailles au sens large (licenciement, rétrogradation, non-renouvellement de contrat, sanctions disciplinaires...). Les mesures de protection s'appliqueront également à tous ceux qui sont liés aux lanceurs d’alerte et sont susceptibles de devenir victimes de représailles dans le contexte professionnel (exemple : les membres de la famille qui assistent les lanceurs d’alerte).

Pour bénéficier de cette protection, le lanceur d’alerte devra toutefois être en mesure de prouver qu'au moment du signalement, il avait des motifs raisonnables de croire que les informations signalées étaient véridiques, et que ces informations entraient dans le champ d'application de la loi concernée.

De son côté, l'entreprise devra être en mesure de prouver que chaque mesure prise est sans rapport avec le signalement. Si l'entreprise ne s'acquitte pas de cette charge de la preuve, la victime de la mesure qui est salariée de l'entreprise aura droit à une indemnisation comprise entre dix-huit et vingt-six semaines de salaire[2]. Si la victime de la mesure de représailles n'est pas salariée, l'étendue réelle du préjudice subi devra être prouvée.

Sanctions

L'entreprise qui manque à ses obligations (qui ne met pas de canal en place ou fait obstacle à son bon fonctionnement, qui exerce des représailles ou ne respecte pas la confidentialité des lanceurs d'alerte) se verra infliger une sanction de niveau 4 du Code pénal social (soit des amendes administratives de 2 400 à 24 000 EUR, soit des sanctions pénales (amendes de 4 800 à 48 000 EUR et/ou peine d’emprisonnement de six mois à trois ans)).

Les agissements des personnes abusant du canal et diffusant sciemment de fausses informations relèveront des infractions de diffamation et calomnie, qui sont passibles d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à un an.

Entrée en vigueur

La loi entrera en vigueur le 15 février 2023.

Les entreprises comptant plus de 250 travailleurs doivent être prêtes à se conformer aux nouvelles dispositions légales dès le 15 février 2023 ! Les entreprises actives dans le secteur financier ou dans la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme doivent respecter la date du 15 février 2023 dans tous les cas, quel que soit le nombre de travailleurs qu'elles occupent.

Concernant le canal de signalement interne, les entreprises de 50 à 249 travailleurs ont jusqu'au 17 décembre 2023 pour le mettre en place.

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Sources :

- Directive européenne 2019/1937 du 23.10.2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union.

- Loi du 28.11.2022 sur la protection des personnes qui signalent des violations au droit de l'Union ou au droit national constatées au sein d'une entité juridique du secteur privé, M.B. 15.12.2022.

- A.R. du 22.01.2023 portant désignation des autorités compétentes pour la mise en œuvre de la loi du 28 novembre 2022 sur la protection des personnes qui signalent des violations au droit de l'Union ou au droit national constatées au sein d'une entité juridique du secteur privé, M.B. 31.01.2023.

 

[1] Le nombre de travailleurs de l'entreprise est calculé selon les règles régissant les élections sociales, mais au niveau de l'entité juridique. Ce seuil ne s'applique toutefois pas aux entreprises actives dans le secteur financier ou dans la prévention du blanchiment d'argent et du financement du terrorisme. Ces entreprises sont obligées de mettre en place un canal de signalement interne, quel que soit le nombre de travailleurs qu'elles occupent.

 

[2] En cas de violation de la législation en matière de services, produits et marchés financiers ou en matière de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, l'indemnisation correspondra à six mois de salaire ou au préjudice réel subi ; dans ce cas, le travailleur aura également droit à sa réintégration. 

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