Les conséquences socio-juridiques du Brexit : quelle feuille de route pour les entrepreneurs ?

Auteur: Yves Stox
Temps de lecture: 7min
Date de publication: 13/08/2018 - 13:19
Dernière mise à jour: 31/01/2019 - 14:49

Le 23 juin 2016, les Britanniques, par voie de référendum, ont décidé de quitter l'Union européenne : 51,9% se sont prononcés en faveur du Brexit, 48,1% étaient contre. C'est, pour l'heure, la seule certitude que nous avons quant au départ du Royaume-Uni de l'Union européenne. Un État membre de l'Union européenne qui souhaite se retirer doit notifier son intention au Conseil européen. Le Royaume-Uni n'a pas encore activé cette procédure. Entre-temps, les premières conséquences économiques et politiques d'un avenir incertain commencent à se manifester.

L'objectif final des négociations avec le Royaume-Uni : un accord avec l'Union Européenne

Les conséquences socio-juridiques pour les entrepreneurs ne se concrétiseront probablement qu'après la communication des directives de l'accord entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. La balle est dans le camp des chefs de gouvernement des autres États membres de l'Union européenne qui siègent au Conseil européen.

Des négociations devront être entamées, l'Union européenne et le Royaume-Uni devront conclure un accord. La libre circulation des personnes et des services occupera une place prédominante dans ces négociations. Pareil accord est moins unique que certains veulent faire croire. Depuis 1994, les États membres de l'Union européenne, la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein forment un seul marché interne, l'Espace économique européen. L'Union européenne et ses États membres ont également conclu un accord avec la Suisse concernant la libre circulation des personnes.

De telles négociations n'aboutissent pas du jour au lendemain mais dans le cas du Brexit, le temps presse. Les traités de l'Union européenne ne s'appliqueront plus au Royaume-Uni à compter de la date d'entrée en vigueur de l'accord ou à l’expiration d’un délai de deux ans suivant l'annonce du départ britannique. Rien d'étonnant donc à ce que le Royaume-Uni tarde à transmettre la communication formelle à l'Union européenne. Les chefs de gouvernement des États membres de l'Union européenne peuvent toutefois décider de prolonger cette période. Cela permettrait d'éviter une sortie incontrôlée du Royaume-Uni.

Une feuille de route: l'Union Européenne, c'est bien plus que le travail transfrontalier

Une restriction au niveau de la libre circulation des personnes et des services complexifie le travail transfrontalier. De nouvelles obligations en matière d'immigration empêcheront les travailleurs de circuler librement entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Les questions de savoir où les cotisations sociales devront être payées et comment les allocations seront perçues deviendront également beaucoup plus compliquées.

Mais l'Union européenne, c'est bien plus que la libre circulation. Le Brexit met en lumière l'énorme impact de l'Union européenne sur l'entrepreneuriat. L'Union européenne crée un level playing field.  Un Royaume-Uni sorti de l'Union européenne pourrait se sentir libéré. Dans cet article, nous essayons de nous faire une idée de ce que cela pourrait signifier.

Travail transfrontalier : recueillez autant de données que possible

Identifiez quels travailleurs fournissent des prestations transfrontalières au sein de l'Union européenne. Faites l'inventaire des motifs du travail transfrontalier et calculez combien il y a de travailleurs transfrontaliers dans les différents pays. Ces informations peuvent aider à déterminer où l'entreprise pourrait être active à l'avenir et à quel prix. Ces informations sont également importantes sur le plan de la politique du personnel ; en effet, mobilité internationale et planning de la carrière vont de pair.

Analysez le statut d'immigration des principaux collaborateurs. L'obtention d'un titre de séjour permanent ou d'une (double) nationalité facilite la mobilité entre les différents États membres de l'Union européenne et le Royaume-Uni.

Anticipez une augmentation potentielle du coût salarial. Grâce aux règles européennes, un travailleur détaché reste assujetti à la sécurité sociale de son pays d'origine, ce qui implique qu'il n'y a pas cotisations de sécurité sociale à payer dans le pays d'accueil. Un Brexit sans libre circulation remet ces règles en question. Un réseau complexe d'accords bilatéraux entre les différents États membres de l'Union européenne et le Royaume-Uni pourrait constituer une solution. Mais ces accords ne sont pas toujours efficaces et parfois, des cotisations sociales (bien) plus élevées seront dues.

Un cadre socio-juridique qui ne s'applique plus aux entreprises britanniques ?

Un Royaume-Uni qui ne fait plus partie de l'Union européenne bouleverse l'actuel level playing field européen et risque d'exercer une pression sur les autres États membres de l'Union européenne.

  • Pour une entreprise ayant des établissements dans différents États membres de l'Union européenne, il n'est pas exclu que le Brexit ait un impact sur le fonctionnement et la composition du conseil d'entreprise européen, même si l’entreprise n'est pas établie au Royaume-Uni. Peut-être que le seuil de travailleurs pour l'institution d'un conseil d'entreprise européen n'est plus atteint. Vérifiez également ce que prévoit l'accord conclu relatif au conseil d'entreprise européen. En effet, celui-ci détermine si les représentants des travailleurs doivent être informés et consultés concernant les mesures Brexit que vous envisagez de prendre.
  • L'Union européenne limite la durée hebdomadaire du travail à 48 heures. En matière de durée du travail, un Royaume-Uni qui n'est plus membre de l'Union européenne pourrait mettre en place une législation plus flexible, élaborée à la mesure des entrepreneurs britanniques.
  • L'union européenne protège les travailleurs en cas de transfert d'entreprise. Après le Brexit, le Royaume-Uni pourrait décider d'assouplir ces procédures d'information et de consultation des représentants des travailleurs et de maintien des conditions de travail existantes.
  • L'Union européenne attache beaucoup d'importance à la corporate governance. Le Royaume-Uni souhaite rester un pays attractif pour les institutions de crédit. Des règles moins strictes au niveau de la politique salariale et des indemnités variables pourraient constituer un atout pour la City londonienne.
  • L'union européenne protège les travailleurs contre la discrimination. Après le Brexit, le Royaume-Uni pourrait élargir les exceptions existantes, dans le cadre des accords conclus en matière de droits de l'homme.

Personne ne sait comment le Royaume-Uni réagira face aux règles européennes nouvellement édictées.

  • Les États membres de l'Union européenne ont jusqu'au 6 mai 2018 pour transposer en droit national la nouvelle directive concernant la protection des données personnelles. Il est peu probable que dans le contexte du Brexit, le Royaume-Uni impose de nouvelles mesures à ses entrepreneurs.
  • À partir du 6 décembre 2016, le rapport annuel des grandes entreprises devra contenir des informations non financières sur, entre autres, des questions concernant le personnel. Les entreprises cotées en bourse doivent également mener une politique de diversité. Le premier trimestre 2016, le Royaume-Uni a consulté un grand nombre d'entrepreneurs britanniques quant à l'implémentation de la réglementation européenne. Aujourd'hui, suite au référendum, cette question n'est plus prioritaire pour le Royaume-Uni.

Le départ du Royaume-Uni de l'Union européenne pourrait inciter les autres États membres à revoir la réglementation sociale en Europe. L'Union européenne n'a d’ailleurs guère le choix : elle doit profiter des négociations concernant la libre circulation des personnes et des services pour protéger sa propre compétitivité.

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