Enregistrement du temps : l’étau se resserre

Auteur: Laurence Philippe (Legal Expert)
Temps de lecture: 5min
Date de publication: 16/07/2020 - 11:52
Dernière mise à jour: 16/03/2023 - 16:20

Il y a un peu plus d’un an, la Cour de Justice de l’Union Européenne rendait un arrêt qui a fait grand bruit. Dans cet arrêt, elle a conclu que les Etats membres doivent imposer aux employeurs l’obligation d’enregistrer le temps de travail des travailleurs. Jusqu’ici, aucune initiative législative n’est venue modifier la législation belge en ce sens.

Les cours et tribunaux des Etats membres ont cependant l’obligation d’interpréter le droit belge conformément à la jurisprudence européenne. C’est ce qu’a fait la Cour du travail de Bruxelles presqu’un an jour pour jour après cet arrêt. Un employeur, qui n’avait pas mis en place de système d’enregistrement du temps, s’est vu condamner à payer des heures supplémentaires postulées par une travailleuse.

Arrêt européen

La Cour de Justice dans son arrêt du 14 mai 2019 a interprété la directive relative au temps de travail. Elle en a déduit que « les Etats membres doivent imposer aux employeurs l’obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur ».

Arrêt de la Cour du travail de Bruxelles

La Cour du travail de Bruxelles a, dans un premier temps, invité les parties à se positionner vis-à-vis de la nouvelle jurisprudence européenne. Dans l’affaire en question, l’employeur n’a pas conclu sur cette question et n’a pas suffisamment collaboré à la charge de la preuve.

Normalement, c’est à la partie qui allègue un fait de le prouver. Dans le cas présent, il revenait à la travailleuse d’apporter des éléments permettant d’établir qu’elle avait bien presté des heures supplémentaires. L’employeur peut, lui, se contenter de contester ces faits. Mais la Cour précise que cette contestation doit être précise et motivée. De plus, il faut aussi tenir compte des capacités de chaque partie d’obtenir certaines preuves.

Au vu de l’arrêt de la Cour de Justice, la Cour du travail de Bruxelles en a déduit que l’employeur avait bien une obligation de mettre en place un « système objectif, fiable et accessible » d’enregistrement du temps et qu’à défaut, il revenait à l’employeur de démontrer que les heures supplémentaires alléguées par la travailleuse n’avait pas été prestées. L’employeur ne démontrant pas ici qu’un tel système d’enregistrement du temps était en place, ni que les heures supplémentaires n’avaient pas été prestées, il a été condamné à payer les heures supplémentaires à la travailleuse.

Quelles conséquences ?

La directive européenne relative au temps de travail ne crée d’obligations que pour les Etats membres qui doivent la transposer dans leur législation. Comme nous l’avons vu dans cet arrêt, les juridictions belges doivent cependant interpréter cette législation conformément à la jurisprudence européenne. Ce premier arrêt vient illustrer ce principe et rappelle aux employeurs l’importance du respect de la durée du travail.

Faut-il en conclure qu’une pointeuse s’impose dans toutes les entreprises ? Pas forcément mais en tant qu’employeur vous devez vous assurer du respect de la durée du travail. Vous pouvez par exemple prévoir dans votre règlement de travail que les travailleurs n’ont pas le droit de prester des heures supplémentaires sans l’accord écrit de leur manager. Vous devez bien sûr faire respecter ce principe au sein de votre entreprise et rappeler à l’ordre les travailleurs qui dépassent sans autorisation leur horaire de travail.

Vous pouvez également faire compléter aux travailleurs un document chaque fois que des heures supplémentaires sont prestées. Chaque dérogation à l’horaire de travail prévu au règlement de travail fera l’objet d’une mention datée et signée. Ce principe sera également repris dans votre règlement de travail.

Si des heures supplémentaires sont prestées de temps à autre, vous pouvez également mettre en place un système de suivi du temps. Ce système ne doit pas forcément être une pointeuse mais peut consister en un fichier électronique rempli quotidiennement par les travailleurs. Ce système, conformément à la jurisprudence européenne, devra être objectif, fiable et accessible.                       

Source : Cour du travail de Bruxelles, 22 mai 2020, 2018/AB/424.

 

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