L’histoire du travail intérimaire en 7 dates-clés

Auteur: Partena Professional (HR Service Provider)
Temps de lecture: 6min
Date de publication: 17/05/2021 - 14:20
Dernière mise à jour: 17/05/2021 - 15:45

Au milieu des années 1950, le travail intérimaire était considéré comme un service un peu obscur, en marge du marché de l’emploi traditionnel. À l’heure actuelle, de nombreux employeurs ne peuvent plus s’en passer. Depuis sa naissance, le travail intérimaire a franchi sept grandes étapes.

“Même si le secteur n’a pas encore retrouvé son niveau d’avant la crise, la hausse mensuelle que nous observons aujourd’hui est encourageante”

- Ann Cattelain, CEO de Federgon

Pour connaître l’origine du travail intérimaire, nous devons – qui s’en étonnera? – nous rendre dans l’Amérique du début du siècle dernier où, pour s’organiser de manière plus flexible, certaines entreprises dont décidé de mettre leurs travailleurs à la disposition d’autres entreprises.

Dans son livre Travail intérimaire - Manuel 360° (2015, LannooCampus), le sociologue Jan Denys, spécialisé dans le marché du travail, raconte l’histoire d’un certain D.J. Nugent, un docker du port de Milwaukee. Comme le port n’était ouvert que durant les mois d’été, les travailleurs quittaient la région en hiver pour trouver du travail sous des cieux plus cléments.

Beaucoup d’entre eux ne revenaient pas, d’autres mettaient du temps à rentrer au pays. Résultat: au début du printemps, le port manquait systématiquement de dockers. Il a résolu ce problème en “prêtant” ses travailleurs à d’autres entreprises de la région pendant les mois d’hiver tout en les gardant sur son “payroll”.

1958 : le travail intérimaire arrive en Belgique grâce à l’Exposition universelle

 

Il a fallu attendre les années 1950 pour voir le travail intérimaire faire son apparition en Belgique, avec Daoust comme société pionnière. “Les premières agences de travail intérimaire étaient de véritables sous-traitants”, rappelle Jan Denys dans son livre. “Elles fournissaient du travail de dactylographie pour leurs clients, au sein même de l’agence. Il était rare qu’elles délèguent un employé chez le client pour réaliser ce travail. C’est ainsi qu’est progressivement né le travail intérimaire.”

Le secteur a connu sa première phase d’accélération avec l’Exposition universelle de Bruxelles en 1958. En raison du nombre important d’hommes d’affaires présents en Belgique, la demande de secrétaires a rapidement augmenté. Pour y répondre, Lucille Rode Gregg a créé une société afin de mettre des collaboratrices à la disposition de ces businessmen. Un véritable succès commercial.

1976 : approbation de la loi “provisoire” sur le travail temporaire

 

Les premiers obstacles juridiques se sont fait jour avec l’émergence des agences d’intérim. À l’origine, à cause de l’absence de véritable statut, les premiers travailleurs intérimaires étaient considérés comme des indépendants, ce qui n’était pas adapté à la réalité. Par ailleurs, les syndicats voyaient le travail intérimaire comme une menace pour leurs travailleurs bénéficiant d’un contrat fixe, et l’agence d’intérim comme une forme d’agence de placement illégale.

Dans les années 1960, les agences d’intérim ont fait plusieurs tentatives pour que le travail intérimaire soit intégré dans une loi. Il a cependant fallu attendre 1973 pour qu’une réglementation provisoire considère les travailleurs intérimaires comme des travailleurs à part entière, jouissant des mêmes droits et devoirs que leurs homologues dotés d’un contrat fixe. Le législateur a également exigé des agences d’intérim qu’elles obtiennent une autorisation du ministère de l’Emploi et du Travail pour exercer leurs activités.

Parallèlement à la crise économique, cette décision a entraîné un assainissement du secteur: alors que le pays comptait plus de 150 agences avant l’introduction de la loi, seules 40 existaient encore à la fin des années 1970. La loi définitive sur le travail intérimaire a été votée en 1987.

1987 : le secteur franchit pour la première fois le cap des 100.000 travailleurs intérimaires

 

Durant les années 1970 et 1980 – économiquement très difficiles – les entreprises ont compris qu’elles devaient réagir plus rapidement aux évolutions de leur environnement. Pour Jan Denys, cette prise de conscience a donné le véritable coup d’envoi au travail intérimaire. “C’est la période durant laquelle l’idée de ‘flexibilité’ est apparue au sein des entreprises”, écrit le sociologue.

“Le travail intérimaire n’était plus exclusivement utilisé pour remplacer un travailleur absent ou malade ni pour du travail saisonnier. Avec le recours aux heures supplémentaires, le travail à temps partiel et le travail en équipe, l’intérim est devenu un important outil de flexibilité destiné à assurer la meilleure adéquation possible entre le personnel et la production.” Cette évolution a permis au secteur de se développer de manière impressionnante, avec le franchissement du cap des 100.000 intérimaires en 1987.

Cette tendance s’est poursuivie dans les années 1990, marquées par la spécialisation, pour arriver à la fin du siècle à 285.000 travailleurs intérimaires. Pour atteindre ce résultat, les agences d’intérim se sont concentrées sur des secteurs et fonctions spécifiques. Elles ont organisé le travail estudiantin via des contrats d’intérim, et lancé la première agence d’intérim “in house”, avec des consultants présents au sein même des entreprises. L’intérim s’est ainsi forgé sa place dans des segments de plus en plus nombreux du marché du travail.

2003 : le travail intérimaire comme outil à part entière du marché du travail

 

Dans les années 2000, les pouvoirs publics ont découvert le potentiel des agences d’intérim en tant qu’outil du marché du travail. L’exemple le plus évident est la décision du ministre de l’Emploi de l’époque, Frank Vandenbroucke, de mobiliser le secteur pour le lancement des titres-services et la mise en place de la politique d’intégration des demandeurs d’emploi.

2009 : la récession économique met un frein à la croissance du secteur de l’intérim

L’année 2009 a marqué la fin de la période de croissance du secteur intérimaire. Pour la première fois, notre pays comptait moins de travailleurs intérimaires qu’un an plus tôt: 326.103, contre 382.607 en 2008. Cela s’explique d’abord par la récession qui a suivi la crise bancaire et dont le secteur a eu du mal à se relever.

“Après trois décennies de croissance, le secteur a toutefois dû faire face à d’autres défis structurels”, ajoute Jan Denys. Il se réfère entre autres au basculement du secteur secondaire vers les secteurs tertiaire et quaternaire, marqués par la disparition progressive du recours à des travailleurs intérimaires dans le secteur industriel.

S’y ajoute le fait que le travail intérimaire trouve plus difficilement sa place dans les nouveaux segments du marché de l’emploi, très exigeants en termes de qualifications. La flexibilité est assurée par d’autres moyens, par exemple en recourant davantage à des indépendants.

2013 : révision de la loi sur le travail intérimaire

 

L’année 2013 fut marquée par la révision de la loi sur le travail intérimaire avec – enfin! – la reconnaissance juridique de la fonction de recrutement dans le secteur de l’intérim. Auparavant, les employeurs ne pouvaient faire appel à des travailleurs intérimaires que pour remplacer momentanément un employé, pour faire face à une hausse de la quantité de travail ou pour répondre à des circonstances exceptionnelles.

Dans la pratique, le travail intérimaire jouait depuis longtemps déjà le rôle de tremplin vers un travail fixe; la nouvelle loi sur le travail intérimaire lui a donné un cadre légal. Autre nouveauté: la réglementation sur les contrats quotidiens successifs. Le législateur a décidé que les travailleurs ne pouvaient plus être employés via des contrats de travail à la journée consécutifs. Si les entreprises souhaitaient encore utiliser cette formule, elles devaient prouver que les circonstances exigeaient cette flexibilité.

2020 : la pandémie de coronavirus réduit de moitié le recours à l’intérim

La pandémie de coronavirus fut une nouvelle période difficile pour le travail intérimaire. Dans les semaines qui ont suivi le 17 mars 2020 – le jour où le gouvernement a annoncé le confinement généralisé du pays – les activités d’intérim ont accusé une baisse de 46%. Alors qu’en avril 2019, le secteur comptait 117.000 travailleurs intérimaires (ETP) au travail, il n’en restait que 65.000 (ETP) un an plus tard, ramenant le secteur au même niveau qu’à la fin de 2008, au moment de l’éclatement de la crise financière.

Après ce plongeon, le secteur s’est rapidement repris, néanmoins. En décembre 2020, 107.161 intérimaires (ETP) étaient à nouveau au travail, ce qui représente un recul de “seulement” 5,5% par rapport à l’année précédente.

“Même si le secteur n’a pas encore retrouvé son niveau d’avant la crise, la hausse mensuelle que nous observons aujourd’hui est encourageante”, indique Ann Cattelain, CEO de Federgon, la fédération du secteur. “Même en période d’incertitude, les entreprises continuent à faire appel au travail intérimaire. Cela leur apporte la flexibilité dont elles ont besoin pour réagir rapidement et s’adapter aux changements.”

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