Supprimer l'e-commerce en Belgique, un non-sens?

Auteur: L'Echo (08/02/2022)
Temps de lecture: 4min
Date de publication: 08/02/2022 - 16:30
Dernière mise à jour: 14/02/2022 - 13:56

Paul Magnette, le président du PS, veut mettre fin au commerce en ligne en Belgique au profit des "vrais magasins" et des indépendants. L'e-commerce belge est pourtant composé majoritairement de petits indépendants et il représente des dizaines de milliers d'emplois.

 

"Après la sortie du nucléaire, j'aimerais sortir du commerce électronique." Paul Magnette a frappé les esprits ce lundi lors de l'entretien qu'il a accordé au magazine Humo. Le président du Parti socialiste explique très sérieusement qu'il entend (re)faire de la Belgique "un pays avec de vrais magasins et des villes animées".

Cette sortie pour le moins surprenante intervient alors que le gouvernement fédéral doit se pencher sur la réforme du marché de l'emploi, et notamment du travail de nuit. La législation particulièrement sévère sur ce dernier point provoquerait la fuite de nombreux postes vers les pays limitrophes.

 

Pour Paul Magnette, cela ne constitue pas un problème. "Pourquoi devons-nous faire travailler des ouvriers dans ces entrepôts la nuit? Parce que les gens veulent acheter 24 heures sur 24 et se faire livrer leurs colis dans les 24 heures. On ne peut vraiment pas attendre deux jours pour un livre?", s'interroge le bourgmestre de Charleroi.

Indépendants vs Amazon

De cette manière, le président du PS affirme défendre "le commerce local et les petits indépendants" face à des libéraux adeptes "du modèle Amazon et (de) ses conditions de travail dignes du XIXe siècle", peut-on lire dans un échange de tweets avec le président du MR Georges-Louis Bouchez.

 

L'e-commerce est-il dès lors l'apanage des mastodontes américains et chinois? Pas vraiment. En Belgique, quatre des cinq plus grosses entreprises sur ce segment étaient européennes en 2020: Coolblue, Bol.com, Zalando et Veepee. Amazon se situait seulement à la quatrième place de ce marché pesant plus de 11 milliards d'euros chez nous.

L'argument de la défense des petits indépendants ne tient pas non plus à l'épreuve d'un autre chiffre: 98% des sociétés d'e-commerce actives en Belgique ont moins de cinq employés et leurs gérants sont pour 80% d'entre eux déclarés comme indépendants.

 

Plus de 11.000 emplois directs

Selon les chiffres du cabinet Retis, le secteur représentait pas moins de 11.000 emplois directs en Belgique fin 2020. Un chiffre auquel il convient de rajouter les emplois indirects: collaborateurs freelance, prestataires externes et travailleurs dans la logistique, mais pour lesquels il n'existe pas de données.

 

De plus, de nombreux emplois belges dépendent de sociétés de vente en ligne situées hors de Belgique. Les exemples les plus connus sont les postes créés par Alibaba à Liège Airport ou les personnes employées dans les ports de Zeebruges ou d'Anvers, qui traitent les colis commandés en ligne. De la même manière, bpost a fait du commerce en ligne un de ses axes de croissance depuis plusieurs années. L'entreprise publique réalise ainsi 51% des livraisons de vente en ligne en Belgique.

Une mesure réalisable?

Une autre question se pose légitimement: si les autorités décidaient de "sortir" de l'e-commerce, serait-ce seulement possible? Cela paraît pour le moins irréaliste. Il faudrait par exemple bloquer l'accès aux sites d'e-commerce belges et internationaux pour toute personne se connectant depuis la Belgique. Une mesure facilement contournable et que seuls des pays comme la Chine ou l'Inde ont mis en place pour bloquer certains sites ou réseaux sociaux.

 

La Belgique pourrait aussi contrôler et bloquer chaque arrivée de marchandise de l'étranger pour vérifier qu'elle n'a pas été commandé par internet. Impensable dans le marché unique européen. Moins irréaliste, un système de taxe e-commerce pourrait-être mis en place pour dissuader les consommateurs belges d'acheter en ligne. Difficile pourtant de l'imaginer alors que le gouvernement fédéral ambitionne de faire de la Belgique une "Smart nation".

 

 

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