La Belgique devrait être fière de ses start-ups

Auteur: L'Echo (16/11/2019)
Temps de lecture: 6min
Date de publication: 04/12/2019 - 09:24
Dernière mise à jour: 04/12/2019 - 15:09

Les start-ups belges ont levé plus de fonds que jamais l’année dernière et notre pays a vu naître ses deux premières licornes. Pourquoi cette évolution ne fait-elle pas davantage notre fierté ?

Les entreprises belges actives dans la technologie et la biotechnologie ont levé 491 millions d’euros durant le premier semestre de l’année. S’il s’agit d’un record absolu, force est de constater que les entreprises technologiques s’adjugent la plus grosse part de ce gâteau financier. Un exemple ? Fin janvier, le spécialiste bruxellois des données Collibra a levé 100 millions de dollars (!) supplémentaires auprès de CapitalG, le fonds de capital-risque d’Alphabet, la société mère de Google, et ainsi devenu la première "licorne " belge.

Bien que les tours de table dans l’univers belge des start-ups soient accueillis positivement, la part importante que représentent les investisseurs étrangers suscite certaines critiques: sur les 61 millions d’euros levés par la société gantoise de logiciels Showpad, en juin, seuls 5% provenaient de Belgique. Chez Collibra, cette part était même inférieure à 1%.

Les investisseurs belges seraient-ils donc indifférents au talent de leurs compatriotes ? Bien au contraire.

Les tours de table initiaux des start-ups technologiques démontrent qu’elles parviennent à convaincre les investisseurs locaux. Mais, dans un pays comme la Belgique, c’est au-delà des frontières qu’il faut porter son regard quand il est question de sommes supérieures à 20 ou 25 millions euro. Pas seulement en raison des montants. L’expansion à l’échelle internationale exige aussi la crédibilité et les relations d’investisseurs de premier plan.

S’il est vrai qu’une partie du personnel des start-ups et scale-ups belges ne travaille plus dans le pays, il serait naïf de penser qu’une scale-up puisse avoir un succès international depuis son petit îlot belge.

La Belgique profite pleinement du succès international de ses propres scale-ups. Showpad et Collibra restent, en effet, ancrés à Gand et à Bruxelles. Notre pays accueille toujours la phase de recherche et de développement de leurs produits et services. Tout cela ne doit rien au hasard: dotée d’un bon réseau universitaire, avec des institutions comme Imec, l’Institut flamand de biotechnologie et grâce à la proximité d’entreprises comme Johnson & Johnson ou Pfizer, la Belgique se distingue par un impressionnant écosystème de connaissances.

Tant que nous préserverons cet atout, nos scale-ups resteront. Même la vente d’une entreprise n’a rien de rédhibitoire. Lorenz Bogaert et Toon Coppens, les fondateurs de Netlog, se sont révélés après la vente de leur plateforme en devenant des entrepreneurs en série, prêts à investir dans de nouvelles start-ups belges. Et ils sont loin d’être des cas isolés.

Le financement de la croissance des entreprises technologiques européennes augmente de manière exponentielle. Une bonne nouvelle, bien que les valorisations parfois élevées suscitent l’anxiété. Peut-on parler d’une nouvelle bulle dotcom ?

Un simple coup d’œil à la valorisation du paysage technologique belge nous apprend qu’il est difficile de parler d’une bulle. Pour mettre les choses en perspective, au cours des 30 dernières années, les entreprises technologiques ont levé quelque 4 milliards d’euros de capital externe dans notre pays. Sept fois moins que ce qu’Uber a levé à lui tout seul !

Il convient toutefois de ne pas se laisser aveugler par les chiffres actuels. Lorsque des fonds sont levés pour financer la croissance, la valorisation dépend bien plus du plan présenté que du chiffre d’affaires à ce moment particulier.

Ces jeunes entreprises de technologie ne feraient-elles pas mieux de "bootstrapper" au lieu d’aller chercher tous ces millions à l’étranger ? "Bootstrapper" (c’est-à-dire gérer de manière créative des ressources limitées et financer ainsi sa propre croissance) est un terme à la mode dans le monde des start-ups. Et il faut bien admettre qu’il s’agit d’une manière saine de grandir. Les entreprises technologiques se perdent parfois tellement dans les fonctionnalités supplémentaires que leur produit de base initial en souffre. Le bootstrapping permet de se concentrer sur le cœur de métier et d’utiliser efficacement les ressources disponibles. Le spécialiste de la sécurité Guardsquare est un bon exemple d’entreprise qui a bootstrappé avec succès.

Mais une injection de capitaux (étrangers) s’impose parfois. Lorsque la concurrence est féroce, il est souvent nécessaire de changer de vitesse rapidement. Un financement supplémentaire et des relations internationales sont alors indispensables. En d’autres termes: lever des fonds n’est pas une condition nécessaire pour une scale-up, mais elle est recommandée si l’entreprise a de l’ambition et un plan solide. Deux aspects où les entreprises technologiques belges excellent de plus en plus.

Ces dernières années, nous avons assisté à une évolution et une professionnalisation remarquables. Il y a une dizaine d’années, nos entreprises de technologie avaient beaucoup de difficultés à financer ne serait-ce qu’un premier tour de table.

Ce changement est aujourd’hui dû en partie aux fonds eux-mêmes, qui disposent de capitaux et qui recherchent activement des opportunités. Le fait qu’ils s’intéressent tellement au paysage technologique belge ne doit toutefois rien au hasard. Ces dernières années, le secteur des jeunes pousses est devenu un écosystème fort et mature, qui ose de plus en plus lever des fonds au-delà de ses frontières nationales.

* Outre le Fast 50 Technology Award, le concours pour les entreprises à la croissance la plus rapide en Belgique, Deloitte décerne également la Rising Star qui vise des sociétés prometteuses, actives dans le secteur de la technologie depuis moins de cinq ans.

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