Les patrons voudraient assouplir la protection des délégués syndicaux

Auteur: L'Echo (12/12/2019)
Temps de lecture: 5min
Date de publication: 07/01/2020 - 15:52
Dernière mise à jour: 27/01/2020 - 14:14

La FEB demande de revoir le statut des travailleurs protégés dans les entreprises afin d’éviter notamment les candidatures opportunistes.

Alors que les élections sociales approchent à grands pas, la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) demande de revoir le statut des travailleurs protégés dans les entreprises qu’elle juge disproportionné. "Nous ne contestons ni l’existence ni le fondement d’une protection des candidats mais son ampleur est disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi", estime Monica De Jonghe, membre de la direction générale à la FEB. La critique patronale se concentre sur trois principaux points.

Selon la loi de 1991, l’employeur qui est contraint de licencier un travailleur protégé doit verser une indemnité de protection qui peut aller jusqu’à 8 ans de salaire. Dans la pratique, il est devenu presqu’impossible de licencier un travailleur protégé pour un motif qui n’entre pas dans le cadre de son mandat ou qui est étranger à sa candidature.

La jurisprudence n’admet d’ailleurs pas facilement le motif de faute grave lorsqu’il s’agit d’un travailleur protégé. Le licenciement pour motif économique n’est pas davantage praticable, car il faut l’aval de la commission paritaire où siègent des représentants des travailleurs. L’employeur se retrouve ainsi totalement coincé.

Manou Doutrepont, CEO de la société de consultance Social Dialogue Network et professeur à l’EHSAL Management School, observe sur le terrain certaines dérives découlant de ce statut privilégié. "Certains délégués se considèrent comme intouchables, au-dessus des lois. La plupart des délégués font très bien leur boulot, mais cela n’empêche que certains se comportent mal, défiant l’autorité de l’employeur et se plaçant hors du champ de la civilité élémentaire."

La deuxième critique patronale porte sur le statut du candidat non-élu. Celui-ci est protégé aussi longtemps qu’un élu, soit sur une durée de 4 ans. Le candidat non-élu lors des élections ultérieures sera, à chaque suffrage, protégé pendant 2 ans. La durée et la portée de cette protection sont sans commune mesure avec les règles applicables à l’étranger. En France et en Allemagne, par exemple, le candidat non-élu n’est protégé que pendant 6 mois à partir de la réception de la candidature. Aux Pays-Bas, la protection des candidats non-élus cesse dès que les résultats des élections sont connus.

"Il n’est pas rare que l’on ait affaire à des candidatures ‘opportunistes’, mues par l’appât des indemnités de protection en cas de licenciement plutôt que par la volonté de représenter les intérêts des travailleurs au sein des organes de l’entreprise", souligne Jean-Charles Parizel, conseiller juridique à la FEB.

Une solution, selon lui, serait d’attribuer l’indemnité de protection des candidats non-élus à un objet d’intérêt général (la formation des travailleurs par exemple) plutôt que de l’affecter au seul intérêt financier du candidat.

Le troisième écueil aux yeux des patrons, c’est la fameuse période occulte. Le principe est le suivant. L’identité des candidats aux élections n’est connue de l’employeur qu’à partir du jour X + 35 (X étant le jour de l’affichage de l’avis des élections). Mais ces candidats sont rétroactivement protégés contre le licenciement dès X -30. Si l’on tient compte des remplacements éventuels des candidats, les candidatures ne deviennent définitives qu’à X + 77. Concrètement, il y a un gel de tout licenciement entre X -30 et X + 77, soit 107 jours.

La période de protection occulte vise à empêcher que, en prenant connaissance d’une intention de candidature (par ouï-dire notamment), l’employeur ne licencie le travailleur avant l’annonce officielle de sa candidature (à X + 35).

Jean-Charles Parizel: "107 jours correspondent à 3 mois et demi, soit 30% de l’année. Pendant cette période, c’est le black-out, pas uniquement du point de vue des licenciements, mais aussi du point de vue de la gestion et de l’organisation de l’entreprise. Impossible de lancer une restructuration, de réorganiser les services, d’introduire des nouveaux régimes de travail, de modifier les horaires de travail." Bref, l’entreprise est paralysée pendant 30% de l’année et ce phénomène se reproduit tous les 4 ans.

Bien sûr, on imagine mal les syndicats revenir sur ces trois points qu’ils considèrent comme des acquis. Pour la FEB, l’idéal serait pourtant que cela se règle au niveau interprofessionnel.

Mais si cela n’est pas possible, ce serait au prochain gouvernement de se saisir du dossier, précise-t-on.

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