Un manque d'appréciation de la part du manager peut fortement influencer la satisfaction au travail d'un employé. Comment les PME peuvent-elles travailler sur la gestion de leur appréciation sans tomber dans l'un des nombreux pièges de l’exercice? Cédric Velghe, psychologue du travail, pose un regard de scientifique sur cette thématique.
En 2015, Cédric Velghe a fondé l'unité VIGOR, une spin-off de l'UGent, avec le professeur Frederik Anseel. Les entreprises qui se posent des questions sur la gestion des RH s'adressent à eux pour obtenir des conseils. Ils se basent sur la littérature scientifique ou mettent en place leurs propres recherches sur le terrain afin de fournir des conseils fondés et de jeter un pont entre la science et la pratique.
“Au cours des sept dernières années, beaucoup d’entreprises nous ont contactés pour obtenir des informations sur le retour d'expérience et son impact – ce n'est pas une coïncidence si ce thème a marqué le début de la carrière de chercheur de Frederik Anseel!”, souligne Cédric Velghe. Au fil du temps, la spin-off a rassemblé quantité de documents scientifiques sur l'importance de l'appréciation et sur les choses à faire et à ne pas faire dans le domaine du feed-back et de la gestion des performances.
Pas une solution-miracle
Les PME en croissance s'interrogent fréquemment sur la nécessité d'une évaluation annuelle ou d'un examen des performances comme les pratiquent les grandes entreprises. “Ma réponse est toujours la suivante: si vous ne le faites pas encore, pensez-y d'abord très sérieusement”, indique Cédric Velghe. “La recherche nous a appris que l'entretien typique de performance ou d'évaluation ne suffit pas.”
“En outre, l'importance du feed-back est souvent surestimée; pourtant, des recherches menées dans les années 1990 avaient déjà établi que, dans un tiers des expériences, le retour d'information avait effectivement un effet positif sur les performances mais pas dans un deuxième tiers des cas, et que, pour le reste, le feed-back avait même un effet négatif. L'idée que le retour d'information est une solution-miracle est en fait erronée.”
Depuis lors, les chercheurs ont mieux compris quand le feed-back fonctionne ou ne fonctionne pas. “Le problème principal est que le retour d'information menace parfois l'image que nous avons de nous-mêmes”, prévient Cédric Velghe. “Un entretien classique de performance ou d'évaluation au cours duquel nous recevons des notes est par définition un environnement menaçant. Cela s'applique aux réactions négatives comme positives.” L’expert propose néanmoins des solutions: “Créez un environnement sûr en faisant en sorte que le feed-back soit orienté vers l'avenir, en vous concentrant sur la tâche et non sur la personne, ainsi que sur les points forts et les objectifs.”
Feed-forward
Voilà pour la théorie. Comment la transposer dans la pratique? Cédric Velghe épingle ici l'entretien de feed-forward, dans lequel les employés doivent décrire un moment où ils se sont sentis au mieux dans leur travail. “En analysant en détail ce moment fort, vous récoltez un certain nombre d'indices sur les facteurs qui en expliquent le succès. De cette façon, vous créez une sorte de ‘formule à succès’ qui peut être optimisée à l'avenir. Cet exercice de réflexion, qui invite l'employé à pointer quelles interventions ont eu un effet motivant, peut aussi s’avérer utile pour le manager.”
Beaucoup d’entreprises appliquent le retour d'information à 360° mais, à nouveau, cette formule crée un environnement quelque peu hostile. Cédric Velghe observe que certaines entreprises abordent désormais ce type de feed-back de manière différente: “L'employé envoie lui-même un e-mail à un certain nombre de personnes au sein de l'entreprise, voire à des clients, en les invitant à se rappeler un moment précis où il était au mieux de ses capacités. Les réponses peuvent ensuite être analysées. C'est très utile, car l'exercice part d'un récit positif.”
Relationnel
Enfin, la relation entre le manager et l'employé est au cœur de la gestion de l'appréciation. Le manager qui vous encadre de cette façon a sans aucun doute un impact positif sur le bien-être et les performances. “Il suffit de souligner l'évolution positive. Pour autant, nous aurions tort d'adopter le modèle américain avec son ‘employé du mois’. Au risque de susciter de la jalousie parmi les salariés.”
Et l’expert de conclure: “Les collaborateurs apprécient le fait que cette reconnaissance reste privée… mais il n'en reste pas moins important de l'obtenir.” L'appréciation peut également être exprimée sans mots ni récompense financière. Les recherches montrent que les possibilités de formation, les nouvelles responsabilités ou la participation à des projets stimulants ont toujours un effet positif.