Statut unique : la Cour constitutionnelle annule le régime de préavis dérogatoire permanent

Auteur: Catherine Legardien
Temps de lecture: 7min
Date de publication: 13/08/2018 - 13:19
Dernière mise à jour: 31/01/2019 - 16:17

La Cour constitutionnelle a, dans un arrêt du 17 septembre 2015, annulé deux dispositions de la loi relative au statut unique : celle prévoyant, pour une durée indéterminée, l’application de délais préavis dérogatoires pour certains ouvriers ressortissant des commissions paritaires (CP) n°124 et 126 (régime dérogatoire permanent) ainsi que celle qui exclut ces mêmes ouvriers du droit à l’indemnité en compensation du licenciement octroyée par l’ONEm.

L’annulation de ces deux dispositions ne produira ses effets qu’à partir du 1er janvier 2018.

Le régime de préavis dérogatoire permanent

Que prévoit la loi relative au statut unique ?

La loi relative au statut unique a harmonisé, depuis le 1er janvier 2014, les règles en matière de délais de préavis pour les ouvriers et les employés (régime ordinaire[1]).

Elle a toutefois maintenu, pour certains ouvriers, l’application de délais de préavis moins avantageux, soit pour une durée déterminée (régime dérogatoire temporaire prenant fin au plus tard le 31 décembre 2017[2]), soit pour une durée indéterminée (régime dérogatoire permanent).

Le régime dérogatoire permanent concerne les ouvriers qui remplissent les conditions cumulatives suivantes :

  • appartenir à une commission paritaire qui prévoyait, au 31 décembre 2013, par arrêté royal, des délais de préavis spécifiques inférieurs à ceux prévus (à peu de chose près) par la convention collective de travail n°75 ;
  • ne pas avoir de lieu fixe de travail ;
  • accomplir habituellement, dans des lieux de travail temporaires ou mobiles, une ou plusieurs des activités suivantes :

a)     travaux d’excavation ;

b)    travaux de terrassement ;

c)     travaux de fondation et de renforcement ;

d)    travaux hydrauliques ;

e)    travaux de voirie ;

f)     travaux agricoles ;

g)     pose de conduits utilitaires ;

h)    travaux de construction ;

i)      travaux de montage et démontage, notamment d’éléments préfabriqués, de poutres et de colonnes ;

j)      travaux d’aménagement ou d’équipement ;

k)     travaux de transformation ;

l)      travaux de rénovation ;

m)   travaux de réparation ;

n)    travaux de démantèlement ;

o)    travaux de démolition ;

p)    travaux de maintenance ;

q)    travaux d’entretien, de peinture et de nettoyage ;

r)     travaux d’assainissement ;

s)     travaux de finition se rapportant à un ou plusieurs travaux repris ci-avant.

Concrètement, sont concernés par l’application permanente des délais de préavis dérogatoires certains ouvriers des commissions paritaires (CP) n°124 (secteur de la construction) et 126 (secteur de l’ameublement et de l’industrie transformatrice du bois).

Que dit la Cour constitutionnelle ?

Estimant que l’application des délais de préavis dérogatoires à certains ouvriers sans limitation de temps est discriminatoire, la Cour constitutionnelle a annulé la disposition relative au régime de préavis dérogatoire permanent.

Cette annulation ne sera toutefois effective qu’à partir du 1er janvier 2018.

Conséquence

Les délais de préavis dérogatoires (prévus dans le cadre du régime permanent) seront encore d’application jusqu’au 31 décembre 2017. Passé cette date, tous les ouvriers se verront appliquer le régime ordinaire de préavis.

L’indemnité en compensation du licenciement

Que dit la loi relative au statut unique ?

Pour une même ancienneté, la différence au niveau de la durée du préavis entre les ouvriers dont l’exécution du contrat a débuté avant le 1er janvier 2014 (application du système du cliquet) et ceux dont l’exécution du contrat a débuté à partir du 1er janvier 2014 (application des « nouveaux » délais de préavis) peut être importante.

Afin de pallier cette différence et à certaines conditions, les ouvriers dont l’exécution du contrat a débuté avant le 1er janvier 2014 ont droit, en plus de leur préavis ou de leur indemnité calculé(e) sur la base du système du cliquet, à une « compensation » leur permettant d’avoir la même « protection » que les travailleurs dont l’exécution du contrat a débuté à partir du 1er janvier 2014.

Cette compensation est octroyée par l’ONEm sous la forme d’une indemnité en compensation du licenciement.

Sont toutefois exclus du droit à cette indemnité en compensation du licenciement les ouvriers auxquels s’applique le régime de préavis dérogatoire (temporaire ou permanent).

Que dit la Cour constitutionnelle ?

La Cour constitutionnelle a annulé la disposition excluant du droit à l’indemnité en compensation du licenciement les ouvriers auxquels s’applique le régime de préavis dérogatoire (de manière temporaire ou permanente).

Tout comme pour le régime de préavis dérogatoire permanent, cette annulation ne sera toutefois effective qu’au 1er janvier 2018.

Conséquence

Les ouvriers licenciés avec un délai de préavis dérogatoire (en application du régime temporaire ou permanent) continueront à être exclus du droit à l’indemnité en compensation de licenciement à charge de l’ONEm jusqu’au 31 décembre 2017. Passé cette date, tous les ouvriers licenciés bénéficieront du régime ordinaire de préavis (voyez ci-dessus). Pour autant qu’ils remplissent certaines conditions, ils pourront également tous se voir octroyer l’indemnité en compensation du licenciement.

Source : arrêt n°116/2015 du 17 septembre 2015 de la Cour constitutionnelle.

[1]Par régime ordinaire, on entend :

  • pour les travailleurs dont l’exécution du contrat a débuté avant le 1er janvier 2014 : application du système du cliquet ;
  • pour les travailleurs dont l’exécution du contrat a débuté à partir du 1er janvier 2014 : application de délais de préavis identiques pour les ouvriers et les employés.

[2]Initialement, 12 commissions paritaires (CP) étaient concernées par l’application temporaire (jusqu’au 31 décembre 2017) des délais de préavis dérogatoires. Il s’agissait des CP n° 109, 124, 126, 128.01, 128.02, 140.04, 142.02, 147, 301.01, 324, 330.03 et 311. Certaines d’entre elles ont toutefois conclu, depuis lors, une convention collective de travail pour anticiper le passage au régime ordinaire, comme l’autorise la loi relative au statut unique. A ce jour, 8 commissions paritaires ont anticipé ce passage au régime ordinaire. Il s’agit de la :

  • CP n° 109 (à partir du 1er octobre 2014) ;
  • CP n° 128.01 (à partir du 1er décembre 2014) ;
  • CP n° 128.02 (à partir du 1er décembre 2014) ;
  • CP n° 140.04 (à partir du 22 mai 2014) ;
  • CP n° 142.02 (à partir du 29 avril 2014) ;
  • CP n° 147 (à partir du 15 août 2014 en raison de l’abrogation de la CP n°147 à cette date ; les employeurs et les travailleurs ressortissant de l’ex-CP n°147 ressortissent à présent de la CP n°111) ;
  • CP n° 311 (à partir du 21 mai 2014) ;
  • CP n° 330.03 (à partir du 1er janvier 2015).

Par conséquent, sont actuellement toujours concernés par le régime dérogatoire temporaire les ouvriers des CP n°124, 126, 301.01 et 324.

Auteur : Catherine Legardien

25-09-2015

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