La vaccination contre le Covid-19 et la relation de travail : questions pratiques

Auteur: Catherine Legardien (Legal Expert)
Temps de lecture: 6min
Date de publication: 20/09/2021 - 15:29
Dernière mise à jour: 20/09/2021 - 15:33

Si le retour au travail en présentiel marque un changement important dans la vie d’un bon nombre de travailleurs en ce mois de septembre, il est aussi source d’interrogations pour certains employeurs quant à leurs droits et obligations à l’égard des travailleurs vaccinés et des travailleurs non-vaccinés contre le Covid-19.

En effet, si l'employeur a l'obligation "de veiller en bon père de famille à ce que le travail s'accomplisse dans des conditions convenables au point de vue de la sécurité et de la santé du travailleur", la question se pose de savoir comment cette obligation se concilie non seulement avec le droit du travailleur à la protection de sa vie privée et de ses données à caractère personnel mais aussi avec la réglementation anti-discrimination.

Coup d’œil sur les règles applicables en la matière à l’heure où les travailleurs ont tous eu, en principe, l’occasion de pouvoir se faire vacciner.

L’employeur peut-il obliger ses travailleurs à se faire vacciner ?

A l’heure actuelle, la vaccination contre le Covid-19 n’est pas obligatoire[1] et se fait donc sur une base volontaire. Par ailleurs, contrairement à ce qui est prévu pour certains autres vaccins, le code du bien-être au travail ne prévoit pas, à l’heure où nous écrivons ces lignes, l’obligation de se faire vacciner contre le Covid-19 et ce, quelle que soit la fonction ou la catégorie professionnelle du travailleur.

L’employeur ne peut donc en aucun cas obliger ses travailleurs à se faire vacciner.

L’employeur peut-il demander le statut vaccinal de ses travailleurs ?

L’état de vaccination d’une personne est une donnée de santé. Les données de santé sont une catégorie particulière de données à caractère personnel. Le RGPD interdit le traitement de données de santé, à moins qu’une disposition légale ne le permette ou que le consentement libre et explicite de la personne concernée ne soit donné.

Selon l’Autorité de protection des données, le travailleur doit pouvoir réellement choisir s’il souhaite ou non que ses données de santé soient traitées. Dans la relation entre travailleur et employeur, le consentement du travailleur est rarement libre car un travailleur peut subir une importante pression pour donner son consentement.

L’employeur ne peut donc pas, à l’heure actuelle, demander le statut vaccinal de ses travailleurs, quel que soient les motifs. A fortiori, il ne peut donc en aucun cas exiger de ses travailleurs de lui montrer leur certificat de vaccination (Covid Safe Ticket).

L’employeur peut-il interdire l’accès au lieu de travail aux travailleurs non-vaccinés ?

Dans l’hypothèse où l’employeur aurait connaissance du statut vaccinal de ses travailleurs, il ne peut pas refuser l’accès au lieu de travail des travailleurs non-vaccinés. En effet, il n’existe, à l’heure actuelle, aucune disposition légale qui impose la vaccination ou qui oblige les travailleurs à être vaccinés.

L’employeur peut-il traiter différemment les travailleurs non-vaccinés ?

Le statut vaccinal d’une personne peut être assimilé à l’état de santé (futur), lequel est un critère protégé par la réglementation anti-discrimination dans tous les aspects de la relation de travail (embauche, conditions de travail et de rémunération, rupture, etc.). Pour que la distinction opérée par l’employeur sur la base du statut vaccinal du travailleur ne soit pas considérée comme une discrimination (interdite), il faut qu’elle soit justifiée par un but légitime et que les moyens de réaliser ce but soient appropriés et nécessaires. S’il peut être admis qu’une différence de traitement entre travailleurs vaccinés et travailleurs non-vaccinés puisse se justifier par un but légitime (protection des travailleurs, des clients, des patients, etc.., continuité de l’activité économique de l’entreprise), les moyens pour réaliser ce but pourront toutefois difficilement être considérés comme étant nécessaires. Selon Unia, l’employeur devrait en effet montrer que les mesures prises sont « raisonnablement nécessaires » pour atteindre ces buts. Les actions de l'employeur ne seront pas considérées comme raisonnablement nécessaires si des moyens alternatifs moins discriminatoires (application des directives de sécurité, etc.) peuvent être utilisés pour atteindre les buts légitimes.

Par conséquent, à l’heure actuelle, l’employeur ne peut faire de distinction de traitement entre les travailleurs vaccinés et les travailleurs non-vaccinés. A titre d’exemples, il ne peut pas allouer de prime aux seuls travailleurs vaccinés, il ne peut pas refuser l’embauche d’un candidat au motif qu’il n’est pas vacciné ou encore, il ne peut pas licencier un travailleur au seul motif qu’il n’est pas vacciné.

L’employeur doit-il continuer à appliquer toutes les mesures de prévention pour les travailleurs vaccinés ?

Le guide générique et les guides sectoriels (qui fournissent un cadre afin de garantir que les activités puissent reprendre dans les conditions les plus sûres et les plus saines possibles) ne font aucune distinction entre les travailleurs vaccinés et les travailleurs non-vaccinés. Cela signifie donc que l’employeur est tenu d’appliquer, pour tous les travailleurs, l’ensemble des mesures de prévention appropriées afin notamment d’assurer les règles de distanciation sociale et de fournir un niveau de protection maximal.

Sources : Unia ; Autorité de protection des données ; Guide générique (version 6) et guides sectoriels: au travail en toute sécurité pendant la crise du coronavirus ; Déclaration commune des partenaires sociaux du Conseil national du Travail et du Conseil Supérieur pour la Prévention et la Protection au Travail concernant l’interdiction de la discrimination des travailleurs en fonction de leur statut de vaccination au Covid-19.

 


[1] Le comité de concertation du 20 août 2021 a annoncé qu'une obligation de vaccination pour le personnel soignant allait être introduite. A l’heure actuelle, cette obligation n’est toujours pas d’application.

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