Faux indépendant… à vos risques et périls !

Auteur: Luc Tilman
Temps de lecture: 7min
Date de publication: 13/08/2018 - 13:19
Dernière mise à jour: 23/11/2018 - 13:20

Il convient dès le départ de se montrer attentif à la façon dont une entreprise structure la collaboration avec un travailleur indépendant.

En effet, est considéré comme  faux indépendant, celui qui exerce son activité sous le statut d'indépendant alors qu’en réalité il travaille sous l'autorité d'un employeur. Il devrait donc normalement être considéré comme travailleur salarié : son employeur est tenu de verser des cotisations patronales et de respecter les contraintes liées au contrat de travail salarié. Cette forme de fraude sociale a des répercussions significatives sur les finances publiques. C’est pourquoi elle peut être sévèrement sanctionnée.

Quels critères déterminent le statut (indépendant ou salarié) et à quelles sanctions vous exposez-vous ?

La législation relative au statut social des travailleurs indépendants précise que toute personne physique, qui exerce une activité professionnelle sans être sous contrat de travail ou sous statut d’agent de la fonction publique, est considérée comme travailleur indépendant. Cette définition remonte aux années soixante et depuis le monde professionnel a bien évolué!

La loi évoque le principe de l'autonomie de la volonté des parties : ces dernières choisissent librement la nature de leur relation de travail , mais il faut que la réalité reflète la volonté exprimée dans la convention de prestations de services. Le législateur confirme ainsi que la qualification donnée par les parties à leur relation de travail doit être privilégiée. On ne peut toutefois pas tenir compte de la qualification exprimée dans la convention si l'analyse des éléments contractuels ou l'exécution de la convention venait à contredire cette qualification.

La loi fixe quatre critères généraux qui doivent permettre d'apprécier l'existence ou non d'un lien de subordination :

  • la volonté des parties c’est-à-dire celle exprimée dans la convention, pour autant qu’elle corresponde à l’exécution concrète de la relation de travail;
  • la liberté d'organisation du temps de travail, étant entendu qu’une liberté dans l’organisation de l’emploi du temps est un critère d’indépendance;
  • la liberté d'organisation du travail; par exemple, une définition précise des tâches à accomplir, associée à l’existence d’instructions et de décisions d’un supérieur hiérarchique sont des indices de l’existence d’un lien de subordination;
  • la possibilité ou non d'un contrôle hiérarchique; par exemple, le fait d’être soumis à un contrôle hiérarchique est révélateur d’une relation de travail avec un travailleur salarié.

Il convient donc de définir ces différents aspects dans la convention de prestations de services entre les parties.

Le texte légal fournit également une liste de critères qui, pris isolément, ne permettent pas de qualifier adéquatement la relation de travail (ex.: une inscription auprès de l'administration de la TVA).

Sur la base des critères généraux et, au besoin, des critères spécifiques fixés pour certains secteurs et professions, il doit donc être possible de déterminer s'il y a adéquation entre l'exercice d'une activité professionnelle et la qualification donnée par les parties à cette relation et, le cas échéant, il pourra y avoir requalification de la relation de travail et application d'un régime de sécurité sociale correspondant.

Relevons aussi que des critères spécifiques de qualification existent à l’heure actuelle:

  • pour les agents de gardiennage ; 
  • pour certains travaux immobiliers ;
  • pour le secteur du transport de personnes et de choses pour le compte de tiers ;
  • pour les travaux exécutés par des entreprises agricoles et/ou horticoles.

En tout état de cause, les juridictions du travail conservent un pouvoir souverain d'appréciation de la nature d'une relation de travail déterminée . Sauf preuve du contraire, la relation de travail existant dans les secteurs économiques visés est présumée être exécutée dans les liens d’un contrat de travail lorsqu’il apparaît que plus de la moitié des critères suivants sont remplis dans le chef de l’exécutant des travaux:

  • l'exécutant n’est pas exposé à quelconque risque financier ou économique
  • l'exécutant n’a pas de responsabilité ni de pouvoir de décision concernant les moyens financiers de son entreprise;
  • l'exécutant n’exerce pas de pouvoir de décision concernant la politique d'achat de son entreprise;
  • l'exécutant n’exerce pas de pouvoir de décision concernant la politique des prix de son entreprise;
  • l’exécutant n’a pas d’obligation de résultats concernant le travail convenu;
  • l’exécutant a la garantie du paiement d'une indemnité fixe quels que soient les résultats de l'entreprise ou le volume des prestations fournies;
  • l’exécutant n’est pas lui-même employeur de personnel recruté personnellement et librement, ou n’a pas la possibilité d'engager du personnel ou de se faire remplacer pour l'exécution du travail convenu;
  • l’exécutant n’apparaît pas comme une entreprise vis-à-vis d'autres personnes ou de son cocontractant ou travaille principalement ou habituellement pour un seul cocontractant;
  • l’exécutant travaille dans des locaux dont il n'est pas le propriétaire ou le locataire ou avec du matériel mis à sa disposition, financé ou garanti par le cocontractant.

Une commission comprenant plusieurs chambres, est chargée de prendre des décisions relatives à la qualification d'une relation de travail, à la demande conjointe ou unilatérale des parties à cette relation de travail et le cas échéant avant le début de cette relation. Les décisions de la commission administrative produisent leur effet pour une durée de 3 ans et sont susceptibles de recours devant le Tribunal du travail.

L’ONSS s’adressera au donneur d’ordre – devenu employeur suite à la requalification – pour le paiement des cotisations tant personnelles que patronales sur les rémunérations perçues par le travailleur indépendant au cours des trois dernières années. En cas de fraude prouvée, cette période peut être portée à sept ans. Il faut également tenir compte d’une majoration de cotisation fixée à 10% et d’intérêts de retard qui s’élèvent à 7% par an.

En outre, si le faux indépendant/travailleur intente une action contre le donneur d’ordre/employeur, celui-ci devra également payer les arriérés au niveau du pécule de vacances, des primes de fin d’année, une indemnité de préavis, le salaire pour les jours fériés, …

A cela s’ajoute encore la possibilité de se voir infliger des sanctions administratives et pénales. Si, toutefois, les parties se conforment à la décision de la commission administrative dans un délai de six mois, aucune sanction pénale ne sera appliquée.

Quant à l’indépendant « requalifié »,  ses cotisations sociales payées seront, en principe, remboursées, sauf réserve de la prescription.

Auteur : Luc Tilman

11-09-2014

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