Application du décret flamand sur l’emploi des langues – Travail transfrontalier

Auteur: Francis Verbrugge
Temps de lecture: 6min
Date de publication: 13/08/2018 - 13:19
Dernière mise à jour: 22/11/2018 - 16:59

En date du 16 avril dernier, la Cour de Justice de l’Union européenne (C.J.U.E.) a rendu un arrêt estimant que le décret de la Communauté flamande du 19 juillet 1973 réglant l’emploi des langues en matière de relations sociales entre employeurs et travailleurs enfreignait c’est-à-dire était contraire au principe de la libre circulation des travailleurs.

Le décret de la Communauté flamande du 19 juillet 1973 sur l’emploi des langues est applicable à tous les employeurs et toutes les entreprises ayant un siège d’exploitation dans la région de langue néerlandaise. Au sein de ces entreprises, l’usage exclusif du néerlandais est obligatoire en matière de relations sociales entre employeurs et travailleurs ainsi que pour tous les actes et documents des entreprises imposés par loi.

Ainsi, tous les documents sociaux tels que par exemple les contrats de travail, fiches de paie, attestations de vacances doivent être établis en néerlandais. A défaut, ces documents sont nuls (de nullité absolue), sans toutefois que cela puisse porter préjudice au travailleur.

L’objectif du décret consiste en réalité à renforcer le caractère néerlandophone de la vie sociale des entreprises situées en région flamande et à contenir ainsi l’anglicisation et la francisation des relations de travail. 

A la suite d’un litige opposant une entreprise belge établie en Flandre et un ressortissant néerlandais, le tribunal du travail d’Anvers avait posé une question préjudicielle à la C.J.U.E. Celle-ci portait sur le principe de la compatibilité du décret flamand du 19 juillet 1973 réglant l’emploi des langues dans les relations sociales avec le principe de la libre circulation des travailleurs.

En d’autres mots, le décret sur l’emploi des langues n’est-il pas contraire avec le principe de la libre circulation des travailleurs dans l’Union européenne dans la mesure où il impose à toute entreprise dont le siège est établi dans la région de langue néerlandaise, sous peine de nullité, de rédiger en néerlandais tous les documents relatifs à la relation de travail lorsqu’elle engage un travailleur pour un emploi à caractère international ?

Dans la situation litigieuse soumise à l’examen du tribunal du travail, le ressortissant néerlandais avait été engagé par la société belge dans les liens d’un contrat de travail rédigé en anglais.

Suite à son licenciement, le travailleur avait contesté certaines dispositions contractuelles, en invoquant la nullité du contrat rédigé en anglais et ce, pour réclamer une indemnisation plus substantielle.

L’employeur, de son côté, faisait valoir que l’application du décret devait être écartée dans la mesure où l’obligation linguistique contenue dans le décret constituait une entrave à la libre circulation des travailleurs qui ne pouvait être justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général.  

La Cour de justice a estimé qu’effectivement, constituait une entrave à la libre circulation des travailleurs, une réglementation d’une entité fédérée d’un Etat membre qui impose à tout employeur ayant son siège d’exploitation sur le territoire de cette entité, de rédiger les contrats de travail à caractère transfrontalier exclusivement dans la langue officielle de cette entité fédérée, sous peine de nullité de ces contrats relevée d’office par le juge.

Selon la Cour, un employeur ne peut donc pas être obligé de rédiger le contrat de travail (ainsi que tout autre document social) uniquement en néerlandais.…. car les parties à un contrat de travail transfrontalier ne maîtrisent pas nécessairement le néerlandais… !

Ceci peut avoir un effet dissuasif envers les travailleurs et employeurs non néerlandophones et constitue dès lors une limitation à la libre circulation des travailleurs.

L’arrêt rendu par la Cour de justice européenne appelle certaines observations : 

  • Il appartient à présent à la juridiction anversoise de statuer sur l’affaire qui lui était soumise, conformément à la décision de la Cour de justice.
  • L’arrêt du 16 avril 2013 ne concerne que la situation des travailleurs étrangers qui franchissent la frontière pour aller travailler en région flamande.

Il ne concerne donc pas la situation des travailleurs belges francophones qui travaillent en Flandre ou qui relèvent du siège d’une entreprise située en région néerlandophone.

  • Implicitement, le principe dégagé par la Cour de justice vaut aussi pour la région de langue française, le décret linguistique de la Communauté française du 30 juin 1982 imposant l’usage du français dans les relations entre les travailleurs et employeurs ayant leur siège d’exploitation dans la région wallonne… !
  • Comme le suggère la C.J.U.E., il doit être possible de proposer, à côté de la version en néerlandais (ou en français) du contrat, « une version faisant foi (…) dans une langue connue de toutes les parties concernées ».

Les Parlements régionaux sont dès lors invités à adapter leurs décrets, ce qui nécessitera, nous semble-t-il, du coté néerlandophone, un « assouplissement » des dispositions décrétales relatives aux possibilités de traduction autorisée… !

Source : C.J.U.E, 16 avril 2013, C-202/11, Anton Las-PSA Antwerp N.V., http://curia.europa.eu.

Auteur : Francis Verbrugge

26-04-2013

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