Une faute commise dans la vie privée peut-elle être à l’origine d’un licenciement pour motif grave ?

Auteur: Sophie Zocastello
Temps de lecture: 4min
Date de publication: 13/08/2018 - 13:19
Dernière mise à jour: 22/11/2018 - 10:00

Un travailleur qui provoque un accident en état d’ivresse suite à une soirée trop arrosée peut-il être licencié pour motif grave, sans préavis ni indemnité ? Les fautes commises dans le cadre de la sphère privée peuvent-elles avoir des répercussions sur la vie professionnelle ?

Quand peut-on parler de licenciement pour motif grave ?

On parle de licenciement pour motif grave dès l’instant où « la faute est à ce point grave qu’elle rend immédiatement et définitivement impossible toute collaboration professionnelle entre l’employeur et le travailleur ». On parle donc d’une perte de confiance de l’employeur en son travailleur qui entraîne l’impossibilité de poursuivre les relations contractuelles, conduisant à la sanction ultime du licenciement pour motif grave.

Les cours et tribunaux ont longtemps considéré que des faits de la vie privée ne pouvaient être invoqués pour mettre fin à la relation de travail. En effet, en principe, la faute est supposée se produire au cours de l’exécution du contrat de travail, lorsque que le travailleur ne respecterait pas certaines de ses obligations contractuelles.

Quel est l’avis de la Cour de Cassassation ?

Par décision du 9 mars 1987, la Cour de cassation a considéré que l’article 35 n’exige pas que la faute grave soit de nature contractuelle ni que l’employeur ait subi un préjudice. Le licenciement pour motif grave peut donc être invoqué dès l’instant où le comportement du travailleur constitue une faute d’une telle gravité qu’elle empêche immédiatement et définitivement la continuation des relations professionnelles.

Selon cette jurisprudence, les actes de la vie privée, qui sont par nature étrangers à la relation de travail, peuvent être invoqués comme motif grave. L’appréciation du motif grave s’examine alors in concreto, en fonction des faits et du contexte réel dans lequel ces faits se sont produits.

Les juridictions doivent donc vérifier si le fait fautif de la vie privée à un impact sur la poursuite des relations contractuelles ou non. Cet impact doit être suffisamment important puisqu’il doit rendre définitivement et immédiatement impossible la poursuite de la collaboration professionnelle.

Qu’en est-il dans la pratique ?

Voici quelques exemples pour lesquels un fait de la vie privée a conduit à un licenciement pour motif grave :

  • Des faits de vol commis en dehors de l’entreprise;
  • La consommation de stupéfiants;
  • Une condamnation pénale pour des faits de mœurs commis en dehors de la sphère professionnelle;
  • Une relation amoureuse entre un psychologue et sa patiente, ce qui est contraire au Code de déontologie et amène un conflit d’intérêt;
  • Une complicité à un trafic de fausses monnaies;
  • Une condamnation pour viol et attentat à la pudeur sur un mineur;

À contrario, certains faits ne peuvent être constitutifs d’un motif grave. Tel sera le cas d’un accident isolé. À titre d’exemples :

  • Un véhicule de société impliqué dans un accident de la circulation, alors que son conducteur ne présente aucun signe d’ivresse;
  • Des faits de violence – consistant dans le fait de repousser une employée et de lui reprendre de force les clés du domicile conjugal -,  l’employée ayant elle-même provoqué ces faits dans un contexte de séparation conjugale houleuse avec son chef d’entreprise, également son conjoint.

Le juge ne peut donc pas écarter un fait et considérer qu’il ne s’agit pas d’une faute grave au motif qu’il s’agit d’un fait relevant de la vie privée, sans rechercher si ce fait rend ou non impossible la poursuite du contrat.

Enfin, il est important d’insister sur le fait qu’il revient à l’employeur de prouver la faute grave. Il devra donc veiller à ce que le fait de la vie privée justifiant le licenciement pour motif grave n’ait pas été constaté en violation de la vie privée du travailleur. Une telle violation peut être rencontrée lors de l’utilisation de caméras sur le lieu de travail ou d’une fouille des affaires du travailleur, sans respect des conditions y afférentes.

Auteur : Sophie Zocastello

14-07-2017

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